Elles ne sont qu’une petite dizaine en France mais font beaucoup parler d’elles. Les maisons de naissance sont apparues en 2013 pour proposer aux futurs parents une alternative aux protocoles des maternités et des hôpitaux : un accouchement non médicalisé qui respecte la physiologie du travail et les souhaits du couple, un accompagnement personnalisé durant la grossesse et tout au long de l’accouchement avec la même sage-femme, un environnement propice à une naissance naturelle, tout en bénéficiant de la proximité d’une maternité et de ses équipes obstétricales. Vous êtes séduite par l’idée d’accoucher en maison de naissance mais vous vous demandez si ce type d’établissement est fait pour vous ? On a posé toutes nos questions à Lucie Guilbaud, gynécologue obstétricienne, et Anne Bonini, sage-femme en maternité, pour en savoir plus sur ces nouvelles structures.
Clinique privée, hôpital public, une troisième option existe pour accoucher avec la maison de naissance. Quel est le principe de ces structures ?
Lucie Guilbaud : La maison de naissance est un lieu particulièrement adapté à un accouchement le plus naturel possible qui a la particularité d’être situé proche d’une maternité. En France, et contrairement à de nombreux pays dans le monde, les maisons de naissance sont en phase d’expérimentation depuis 2013, et restent donc une option peu répandue. Il n’existe que 8 maisons de naissance et seules 506 femmes y ont accouché en 2018, soit moins de 0,1% des naissances. La bonne nouvelle, c’est que l’Assemblée Nationale vient d’adopter un texte visant à pérenniser les maisons de naissance en France et à confier leur création et leur gestion à des sages-femmes. (Voir le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2021, transmis au Sénat le 2 novembre 2020 : Article 30 concernant les maisons de naissance.)
Pourquoi le suivi est-il plus personnalisé en maison de naissance que dans une maternité classique ?
Lucie Guilbaud : Les maisons de naissance sont définies comme des « structures contigües à une maternité partenaire, sous la responsabilité exclusive des sages-femmes, qui réalisent l’accouchement des femmes dont elles ont organisé le suivi de la grossesse ». Ainsi, les femmes sont suivies par les mêmes sages-femmes depuis le début de la grossesse jusqu’au post-partum, et accompagnées par la même sage-femme pendant toute la durée de leur travail et de l’accouchement. Cette sage-femme ne s’occupe que d’une femme à la fois pendant l’accouchement ce qui permet un suivi particulièrement personnalisé et entourant.
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Est-ce que ces établissements sont accessibles à toutes les femmes ?
Lucie Guilbaud : Les maisons de naissance sont destinées aux femmes qui ne présentent aucun problème de santé, n’ont pas d’antécédents obstétricaux notables, ont des grossesses de déroulement normal et souhaitent un accouchement non médicalisé. En effet, les maisons de naissance sont des lieux où il est impossible d’avoir une analgésie péridurale, de déclencher le travail, ou encore de l’accélérer par utilisation d’ocytocine. De plus, il n’existe pas de service de suites de couches en maison de naissance. Ainsi, les couples et leur enfant rentrent chez eux quelques heures après l’accouchement et sont suivis ensuite par une sage-femme à domicile.
Que se passe-t-il en cas d’urgence ou de complication ?
Lucie Guilbaud : Il n’y a pas de médecin en maison de naissance. En revanche, chaque maison est rattachée à une maternité partenaire située à proximité, ce qui permet un transfert aisé en cas de nécessité (souhait de péridurale, indication à une intervention médicale pour la santé de la mère ou du bébé).
Quelles libertés offre un accouchement en maison de naissance par rapport à une maternité classique ?
Anne Bonini, sage-femme : Pour une sage-femme qui exerce en hôpital ou en clinique, il y a une nécessité de surveillance et de sécurité lors de l’accouchement ; l’aspect médical prend le dessus pour que tout se passe au mieux. On se doit, pour que le service fonctionne, et parce que les patientes peuvent être nombreuses, de respecter certaines règles, on est donc moins libres de faire ce que l’on veut : proposer une autre position pour accoucher, déplacer la table, trouver un ballon pour soulager la maman, etc. En maison de naissance, ce n’est pas comparable, c’est comme si on était chez soi, c’est du sur-mesure. La maman est entourée d’une ou deux sages-femmes qu’elle connaît bien et qui la connaissent très bien.
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Comment se prépare-t-on à accoucher en maison de naissance ?
Anne Bonini : On se prépare avec la sage-femme qui sera là en permanence pendant l’accouchement. La préparation à la naissance visera à mieux se connaître et à aborder différentes techniques de gestion de la douleur : position, respiration, relaxation, bain, sophrologie, yoga, hypnose et auto-hypnose.
Ce qui est très fort et très important c’est justement la relation avec la sage-femme qui se tisse tout au long de la grossesse. Pour la sage-femme, il s’agit d’établir une relation de confiance et d’écoute pour que le couple se sente reconnu dans ses demandes.
Chaque femme a des idées précises sur ce qu’elle veut, il faut en parler en amont pour adapter nos pratiques. Le jour de l’accouchement, au moment où elle a mal, la mère découvre d’autres choses en elle, à ce moment-là il est précieux de bien la connaître, pour s’adapter à cet état de douleur.
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Quels sont selon vous les avantages et les inconvénients de ce type de structure pour un accouchement ?
Anne Bonini : La relation avec la sage-femme et sa présence permanente pendant le travail créent un vrai moment de communion à trois : elle est un soutien à chaque contraction pour faire respirer la maman, trouver la bonne position, en faisant participer activement le deuxième parent. D’ailleurs à la fin le papa est tout aussi fatigué que la maman !
Le seul inconvénient serait peut-être la frustration des couples lorsqu’il faut passer la porte de la maternité en cas de souci, c’est une éventualité à laquelle il faut se préparer pour que cela ne soit pas vécu comme un échec.
Écoutez l’épisode de notre podcast Mères sur la préparation à la naissance en maison de naissance : Habiba, sage-femme, se préparer à un accouchement physiologique.
Que se passe-t-il si une maman ne supporte plus la douleur et demande une péridurale ?
Anne Bonini : Elle sera transférée en maternité pour la pose de la péridurale. Et j’insiste, ceci ne doit pas être vécu comme un échec. On peut accoucher de façon physiologique avec une péridurale si elle est bien dosée, et il n’est pas nécessaire de dépasser ses limites de tolérance. Ce qui définit un accouchement physiologique c’est un travail de durée correcte sans problème particulier, la dilatation progressive du col, une naissance par voie basse sous les efforts de poussée de la maman. Avec ou sans péridurale, on n’en met pas moins au monde son enfant !
Comment se passent les suites de couche en maison de naissance ?
Anne Bonini : Le couple reste en général 6h sur place juste après la naissance. Il n’y a pas d’accueil prévu dans le service de suites de couche de la maternité. La sage-femme rendra visite à la mère et son bébé à domicile tous les jours ou toutes les 48h. C’est intéressant car cela permet une prise en charge du couple dans son environnement avec l’enfant, un contexte un peu plus cocooning pour mettre en place les premiers soins et aider à la mise en route de l’allaitement si la maman fait ce choix.
Comment s’inscrire en maison de naissance ?
Anne Bonini : Étant donné qu’il existe encore très peu de maisons de naissance, les places sont limitées. (Voir la liste des Maisons de naissance en France ) Il faut commencer par s’inscrire, puis on rencontre la sage-femme qui nous suivra du début à la fin. Si l’on ne trouve pas de maison de naissance dans sa région, on peut opter pour l’accouchement en plateau technique : il faut pour cela se rapprocher d’une sage-femme libérale qui dispose d’un agrément pour accéder au plateau technique d’une maternité.
Quels sont les premiers retours d’expérience sur ces maisons ?
Lucie Guilbaud : Un rapport sur les maisons de naissance a été publié en 2019. Ce rapport a montré un grand respect de la physiologie de l’accouchement (absence d’intervention médicale, très peu de touchers vaginaux, position d’accouchement librement choisie, absence d’épisiotomie dans 98% des cas) et un taux de complications maternelles et néonatales extrêmement bas. Bien que notre sentiment est que l’accouchement en maison de naissance n’apporte que des bénéfices, il est compliqué de conclure scientifiquement avec certitude puisqu’aucune étude comparant des femmes ayant accouché en maternité et des femmes ayant accouché en maison de naissance n’a été menée à ce jour, faute de financements. (Lien vers le rapport détaillé)
Crédit photo : Hollie Santos/Unsplash