Ça commence quand l’adolescence ? Et la préadolescence, est-ce que c’est pire ? Nos repères et nos souvenirs valent-ils encore quelque chose dans le monde bouleversé et digitalisé que nos enfants habitent ? Sera-t-on capables de maintenir le contact, d’être ces parents à la fois cool et respectés, connectés mais fermes sur l’utilisation des écrans, complices mais pas copains, capables de rester à l’écoute et écoutés ? Est-ce que ce n’est pas à l’adolescence que se pose avec une acuité douloureuse le vrai dilemme éducatif entre autorité et bienveillance ? C’est au beau milieu de ces réflexions angoissées que nous avons croisé la route d’Erika Seydoux et Anne-Claire de Pracomtal, deux mères reconverties dans l’accompagnement des ados et de leurs parents. Elles ont créé « IAMSTRONG », un programme de coaching pour aider nos enfants qui n’en sont plus tout à fait vraiment à être bien dans leurs baskets. On adore leur concept et leur engagement pour les jeunes et leurs familles, on a eu envie de leur demander de nous éclairer sur eux et sur nous. Rencontre et décryptage avec Erika Seydoux, coach pour enfants et adolescents.
Tu es coach pour enfants, est-ce que tu peux expliquer ton métier ?
Oui c’est un métier encore peu connu : il faut avoir deux ans d’expérience professionnelle minimum avant de pouvoir suivre une formation certifiante dans une école de coaching reconnue par l’État.
Pour l’expliquer aux jeunes, je fais souvent la comparaison avec un coach sportif. On aide les jeunes à atteindre leurs objectifs et leur plein potentiel, en utilisant différentes techniques et protocoles : le travail sur la connaissance de soi, la motivation et la mise en action.
Le coach accompagne le jeune sur un temps bref, il y a toujours un début et une fin qui sont définis (en moyenne 3 mois), à raison de deux séances par mois.
Quelle est la différence entre l’approche d’un psychologue et celle d’un coach ?
Tandis que le coaching travaille sur l’axe présent-futur, dans une dynamique très concrète et proactive, en visant le développement personnel, un psychologue pour enfants va travailler sur un axe passé-présent en réfléchissant aux causes de ce qui pose problème. Il propose un travail approfondi sur la recherche de l’origine des symptômes : anxiétés, phobies, dépendances et addictions, troubles du comportement (alimentaire par exemple).
Ces deux approches peuvent être complémentaires : le coach permet par exemple la mise en action du travail psy.
Chez IAMSTRONG, nous avons à la fois des psychologues et des coachs, que nous attribuons en fonction du profil et du besoin du jeune.
Ça veut dire quoi être coach pour ados, est-ce qu’il y a une spécificité ?
C’est une spécialisation du coach. Il y a une formation spéciale pour travailler avec les enfants et les ados, afin d’adapter sa communication et ses outils à ce public spécifique.
Les problématiques à aborder ne sont pas les mêmes que pour les adultes, pour les ados elles sont très souvent liées au parcours scolaire par exemple. Aujourd’hui, 1 jeune sur 2 de moins de 25 ans souffre d’anxiété, et ce qui est pointé du doigt en majorité c’est la pression scolaire.
Concrètement, que peut apporter un coach à un jeune qui est en difficulté scolaire ?
Certains coachs sont spécialisés dans cet accompagnement et ont un impact très significatif sur l’organisation, les méthodes de travail, la motivation et les résultats scolaires. Il y a un vrai effet avant/après.
Je pense à un jeune que nous avons accompagné en année de 4e. C’était un bon élève en primaire qui a décroché au collège : il avait perdu toute motivation, ses parents n’avaient plus de prises sur lui à la maison, il avait même moins envie de voir ses amis. Nous l’avons accompagné en coaching pour l’aider à avoir un regard positif sur l’école, à retrouver le goût des amitiés, et de facto les conflits à la maison se sont réduits. Grâce à cet accompagnement il a eu un déclic, il a apprécié d’avoir ce temps pour lui, pour tout dire, un temps de parole en confiance qu’il n’avait pas ailleurs. Il est aujourd’hui en 3e et a été élu délégué de sa classe, une belle victoire pour lui !
Quand peut-on avoir besoin d’un coach pour son ado ?
Quand votre ado a des difficultés personnelles ou scolaires, le coaching va l’aider à dépasser des blocages, à se sentir mieux et à atteindre ses objectifs : meilleure confiance en soi, gestion du stress, motivation, choix d’orientation, intégration sociale, etc.
Comment est né le projet IAMSTRONG ?
D’une rencontre entre Anne-Claire de Pracomtal et moi, elle était psychologue et coach pour enfants et adolescents, et moi en reconversion, cherchant à avoir un impact positif sur les jeunes. Nous nous sommes retrouvées sur ce constat qui nous heurtait toutes les deux : 1/3 des moins de 25 ans souffre d’un problème de santé mentale, il y a beaucoup d’anxiété quant à l’école et à l’avenir, et une crise majeure de la confiance en soi.
Nous avons constaté qu’il y avait trop peu de réponses et de contenus pour eux, beaucoup de choses sont faites sur la petite enfance mais moins pour les jeunes.
Avec IAMSTRONG, nous avons voulu proposer aux jeunes et à leurs familles une solution concrète et rapide à leurs difficultés pour les aider à trouver leur place à l’école et dans la société.
Comment définirais-tu l’adolescence ? Comment accompagner ces transformations en tant que parents ?
L’adolescence est la période qui s’étend entre la puberté et l’âge adulte. Elle est marquée par des transformations intenses.
La première transformation est physique et hormonale : les garçons produisent cinquante fois plus de testostérone qu’avant, et les filles vingt fois plus d’œstrogènes, on parle de tempête émotionnelle et ces changements participent évidemment à l’humeur changeante des adolescents.
Les signes physiques chez les filles sont le développement des seins, des poils. Les garçons grandissent et grossissent de manière souvent spectaculaire.
Ce nouveau corps n’est pas toujours facile à aimer, il peut donner lieu à des complexes et à des rejets (vêtements amples, refus de se laver) ou au contraire à des obsessions pour certains d’où leur goût prononcé pour les selfies !
Notre rôle en tant qu’adultes est donc de les aider à aimer ce nouveau corps, il ne faut pas lésiner sur les compliments à cet âge, même si on n’aime pas forcément leur style !
Ayez en tête qu’il faut au moins cinq compliments pour annihiler l’impact d’une critique sur l’estime de soi.
La deuxième transformation est cérébrale : toutes les connexions neuronales se réorganisent, si bien que nos jeunes ne contrôlent pas tout à fait leurs pensées et leurs émotions. Le niveau de dopamine croît également énormément, ainsi ils ont tendance à rechercher des sensations fortes, un besoin d’assouvir ou de se mettre en danger.
La troisième transformation est psychologique : en devenant des adultes ils s’éloignent de leurs parents, les liens se distendent, et des nouveaux liens d’amitié souvent très forts se créent. Ce détachement est sain, ils en ont besoin pour devenir une personne à part entière.
Ce qu’il faut retenir, c’est que les adolescents subissent ces changements parfois davantage que leurs parents. Pour certains c’est plus facile de naviguer à travers tous ces changements, pour d’autres c’est une source de souffrance et de difficultés.
À quel besoin voulez-vous répondre avec IAMSTRONG ?
Ce qui nous touche c’est cette fragilité de l’adolescence. Prendre soin des ados relève de la prévention.
La moitié des troubles de la santé mentale à l’âge adulte se jouent avant la maturation du cerveau, c’est-à-dire avant 25 ans.
Ce qui est original dans votre démarche, c’est de vous adresser directement aux jeunes plutôt qu’à leurs parents, de leur proposer un projet dont ils sont les acteurs et les seuls responsables, alors qu’on a l’impression qu’on cherche de plus en plus à les infantiliser, les soumettre ou leur coller des étiquettes. Comment faites-vous pour les impliquer et les intéresser à vos programmes de coaching ?
En effet c’est l’enjeu principal : si l’ado n’est pas embarqué, l’accompagnement ne peut pas marcher. Nous avons mené une réflexion sur la forme et le fond : notre charte graphique est pensée pour les jeunes, pour leur donner envie, nos programmes sont conçus pour susciter de la fierté et non de la honte à se faire accompagner par un psychologue ou un coach.
Notre méthode est 100% digitale car c’est la manière de communiquer des jeunes, cela permet de lever pas mal de freins chez eux. Aller consulter un psychologue en cabinet avec ses parents peut en rendre frileux plus d’un.
Concrètement, en quoi consistent vos programmes ?
Dans notre méthode, nous proposons aux jeunes :
- Des séances en visio, avec leur psychologue ou coach, deux fois par mois.
- Des activités en ligne pour apprendre à se connaître, cultiver la confiance en soi, sous forme de tests et de jeux, de QCM ludiques avec gifts à la clef, etc.
- Le tchat pour échanger en privé avec leur coach ou leur psy. C’est un format très apprécié, qui permet d’identifier ce qui a pu les heurter ou leur poser un problème dans la journée.
Vous proposez aussi d’accompagner les parents : de quoi ont-ils besoin, eux ? Comment les aidez-vous ?
Oui nous proposons désormais des programmes spécifiques pour les parents.
C’est plus efficace pour avoir un impact sur la dynamique familiale au global, pour améliorer leur relation avec leur ado qui peut être rompue ou faite de conflits, parfois compliquée par une situation difficile comme une séparation. Nous accompagnons aussi les parents qui ont des enfants en difficulté : des profils DYS ou HPI par exemple.
Nous leur donnons des outils pour améliorer la relation avec leur ado, trouver leur juste place en tant que parent et prendre confiance en eux.
Nous leur attribuons des psys ou des coachs selon les besoins, et ils profitent de la même méthode :
– Séances en visio avec le professionnel.
– Activités d’auto-coaching en ligne.
– Conversation WhatsApp entre les séances.
Certains parents hésitent ou ont peur de se confronter aux problèmes de leur enfant, mais il y a des techniques de communication qui peuvent changer beaucoup de choses dans la dynamique familiale.
En pratique, combien coûtent vos programmes de coaching et combien de temps ça dure ?
En moyenne un programme dure 3 mois, il coûte 100 euros par mois avec 2 séances par mois, les activités et le WhatsApp à disposition.
Votre programme sera bientôt proposé dans des écoles Pilote, est-ce que vous comptez en faire un outil pour sensibiliser et prévenir le harcèlement scolaire ?
Pour les collèges en effet cet accompagnement est un outil redoutable pour prévenir le harcèlement scolaire, on peut facilement détecter un enfant en souffrance grâce à nos programmes.
Ce type de dispositif existe déjà d’ailleurs dans les pays anglo-saxons avec de très bons résultats contre le harcèlement en proposant un espace de parole continu pour les ados.
Plus d’infos :
@iamstrong_fr
www.iamstrong.co