Parmi les nombreux ouvrages qui promettent de nous aider à développer une relation apaisée avec nos enfants, le titre de celui-ci a retenu notre attention, parce qu’il propose d’explorer les méthodes éducatives au sein de cultures ancestrales. « Chasseur, cueilleur, parent » (éd.Leduc) est un best-seller aux États-Unis, résultat de plusieurs années de recherches et d’immersion de Michaeleen Doucleff, journaliste et maman de Rosy, 3 ans, avec qui elle est en conflit quasi-permanent. Une fillette qui a été sa compagne de route et son cobaye pour éprouver les méthodes éducatives dont elle a été témoin au Mexique, en Afrique et en Arctique. Un ouvrage passionnant, à lire sans attendre, dont nous avons tiré quelques grands principes et enseignements. En voici trois.
1/ La colère parentale n’est pas une option
Ce qui a le plus frappé Michaeleen en arrivant chez les Inuits, c’est le calme qui régnait au sein de la famille dont elle s’apprêtait à partager le quotidien. Pas de cris, pas de larmes, pas de réactions excessives, pas de négociations… Chez les Inuits, l’expression de la colère parentale n’est pas une option : on ne se dispute pas avec un enfant et il est d’ailleurs considéré comme parfaitement « ridicule » d’argumenter avec lui. On le sait en effet : le cerveau n’est pas mature avant la fin de l’adolescence et puisqu’un enfant n’est pas encore en mesure de gérer ses émotions, essayer de le convaincre du bien-fondé de nos décisions est absolument vain.
D’une manière générale d’ailleurs, constate Michaeleen Doucleff, nous Occidentaux avons tendance à trop parler avec nos enfants. Nous leur donnons trop de choix qui les mettent en situation d’insécurité (choisir c’est renoncer), mais aussi trop d’injonctions.
Extrait : « Pour éviter de vous mettre en colère, partez du principe que les enfants se comportent mal. Ils sont, d’une manière générale, grossiers, violents et autoritaires. Ne vous sentez donc pas visés personnellement. C’est votre travail, en tant que parent, de leur apprendre à se comporter convenablement et à contrôler leurs émotions. Si un enfant n’écoute pas, c’est parce qu’il est trop jeune pour comprendre. Il n’est pas mûr pour apprendre la leçon ».
En pratique : le silence est d’or
Parmi les expériences proposées dans ce livre, s’efforcer de parler le moins possible à ses enfants et, en tout cas, ne leur donner qu’un minimum de consignes (une toutes les 20 minutes maximum est l’idéal pour commencer).
Limiter autant que possible les interactions donc les stimulations verbales qui engendrent stress et pression. Excédée par un nouveau coup de crayon sur le mur ? Exaspérée par une nouvelle crise au moment du coucher ? Si la colère monte en vous, si votre petit s’énerve, posez une main sur son épaule, et éloignez-vous de lui, sans parler, le temps que vous vous apaisiez tous les deux.
2/ Limiter les compliments
Passer du temps auprès de familles de cultures très différentes a agi comme un révélateur pour Michaeleen Doucleff : dans la plupart des familles occidentales, lorsque nous ne leur donnons pas d’ordres, nous passons le plus clair de notre temps à complimenter nos enfants. Qu’ils dessinent une fleur, ramassent la peau de banane qu’ils viennent de jeter au sol ou s’habillent seuls pour la première fois, nous félicitons, applaudissons. Pour renforcer leur estime et leur confiance en eux ? Pourtant, on nous le répète ici ou là : complimenter nos petits à l’excès a plutôt tendance à les rendre dépendants de notre regard et, d’une manière générale, du regard de l’autre. À l’opposé, Michaeleen a découvert des cultures où le compliment est très rare et laisse la place à l’encouragement par un simple hochement de tête ou par un sourire qui, finalement, en dit très long. L’expérience de l’auteure semble prouver que limiter au maximum les compliments est efficace.
Extrait : « Des psychologues ont découvert qu’un jeune enfant qu’on félicite souvent apprend très tôt à entrer en compétition avec ses frères et sœurs pour obtenir l’approbation et l’attention de ses parents. Cette absence de comportements chez les Mayas pourrait expliquer en partie la bonne coopération entre frères et sœurs (et les disputes moins fréquentes que dans les fratries occidentales). Ils n’ont pas besoin d’entrer en compétition pour récolter les lauriers. »
En pratique : préférer la reconnaissance
Comme alternative à nos compliments, l’auteure suggère plutôt la reconnaissance de la contribution des enfants à la vie domestique, qui est l’une des finalités principales de l’éducation traditionnelle et, à l’évidence, un gage de sérénité pour toute la famille : la charge mentale des tâches ménagères n’incombe alors plus seulement aux parents… Cette reconnaissance, elle s’exprime quand un enfant essaie d’aider : acceptez sa contribution, valorisez ses idées et associez son apprentissage au fait de devenir « plus grand » et plus mature, conseille Michaeleen Doucleff.
3/ Inclure les enfants dans la vie domestique
Chez les Mayas où elle a passé plusieurs longs séjours, Michaeleen a observé, stupéfaite, à quel point les enfants se montraient « acomedidos », traduisez « accommodants ». À quel point il leur semblait naturel, dès le plus jeune âge, de débarrasser non seulement leur assiette mais aussi toute la table ou de faire le ménage sans qu’on leur ait demandé. Ont-ils été élevés sous cette contrainte ? A priori non, si l’on en croit le témoignage de ses amies maya. Les enfants ont seulement été libres, dès leur plus jeune âge, de contribuer aux tâches domestiques, ce dont ils raffolent généralement dès qu’ils savent marcher. D’abord maladroits, ils se sont perfectionnés, ont rapidement pu contribuer efficacement à la vie domestique. Et y prennent un plaisir manifeste.
Extrait : « En contribuant aux tâches ménagères, les enfants apprennent, expérimentent et découvrent quelle est leur place au sein de la famille. Faire quelque chose avec autrui les rend heureux, cela participe grandement à leur développement émotionnel ».
En pratique : adieu les jouets !
On oublie donc les jouets inutiles et multiples. Michaeleen conseille de tous les jeter. On s’arme plutôt d’un peu de patience et on laisse nos enfants nous aider à plier (ou déplier) le linge, à casser (ou à écraser) les œufs pour la pâte à crêpes : c’est un investissement pour l’avenir proche. Non seulement ils prendront le réflexe de participer à la vie en communauté, mais ils prendront aussi confiance en eux.
Chasseur, cueilleur, parent, de Michaeleen Doucleff, préface d’Isabelle Filliozat, édition Leduc.
Crédit photo : Sandra Seitamaa