Face à l’immense bouleversement que représente la maternité, sommes-nous suffisamment informées ? À la naissance de son fils il y a 6 ans, Renée Greusard ne l’était pas. Un manque de préparation presque vécu comme une trahison de notre société, qui s’est soldé par une dépression post-partum. Sans tabou et avec humour, la journaliste, déjà autrice de « Enceinte, tout est possible*», livre aux futures mamans la vérité sur les premiers mois de la maternité dans« Choisir d’être mère**». Plus qu’une source d’informations, un véritable plaidoyer pour un meilleur accueil de l’enfant dans notre société.
Qu’est-ce qui vous a poussée à écrire ce livre ?
C’est le fait que je me suis moi-même trouvée en difficulté dans la maternité. J’ai vraiment été choquée, à la naissance de mon fils, de l’impréparation à laquelle j’ai dû faire face. Bien sûr, avoir un enfant est une aventure unique et on ne peut jamais être totalement préparée. Mais il y a quand même des informations cruciales, faciles à communiquer, que je n’avais pas et qui m’ont manqué. J’ai donc répertorié tout ce que j’aurais aimé qu’on me dise avant de devenir mère. Quand j’ai accouché il y a six ans, on était dans un vide absolu : très peu de choses étaient dites sur le sujet. Le livre que l’on me conseillait à l’époque, c’était celui de Laurence Pernoud… Aujourd’hui, heureusement, une parole existe, qui est plus proche des parents.
Parmi les informations cruciales qui vous ont fait défaut, il y a notamment l’existence de la fameuse « nuit de la java » – cette nuit qui arrive deux ou trois jours après la naissance, et où le bébé sollicite beaucoup sa mère, ce qui se traduit par des pleurs nourris…
Je parle en effet de la nuit de la java parce que c’est une étape à laquelle il me semble qu’il est possible de se préparer ! Si j’avais eu l’information, j’aurais exigé que mon compagnon reste à la maternité cette nuit-là. C’est d’ailleurs systématiquement le conseil que j’ai donné à mes amies qui ont accouché après moi. Avant mon accouchement, une amie m’avait envoyé un email avec une liste des choses auxquelles veiller (elle ne parlait pas de la nuit de la java). Eh bien j’ai réalisé que toutes ces choses qu’elle avait listées se sont bien passées pour moi. Parce que j’étais prévenue !
Vous évoquez l’idée de consulter un psychologue pendant la grossesse ou avant. En quoi cela peut-il aider ?
Je pense en effet que consulter un psy et faire un travail sur soi avant de devenir parent peut être utile. L’un des plus grands chocs de ma maternité, ça a été d’avoir l’impression en tant que mère de me retrouver face à mes propres parents et à l’enfant que j’ai moi-même été. Car on revisite forcément notre enfance à travers celle de notre enfant. Et c’est d’autant plus difficile lorsque notre enfance n’a pas été simple. Un accompagnement peut faire office de rampe, de toboggan, pour adoucir les choses.
Après l’accouchement et les premiers mois d’un enfant, se posent aussi les questions d’éducation. Comment s’en sortir face à toutes les injonctions auxquelles nous devons faire face ?
Il y a en effet un vrai travail à faire autour de cela aussi. Des choses existent déjà d’ailleurs, notamment avec les centres d’accueil parents-enfants, et beaucoup d’autres initiatives. Parler avec d’autres parents qui ne sont pas forcément des proches peut faire avancer dans la parentalité. Personnellement, ça m’a aidée à poser des limites à mon fils, ce que mon côté libertaire (et sans doute les injonctions issues des principes de l’éducation bienveillante) m’empêchait un peu de faire…
Cette première expérience de la maternité, un peu difficile au départ, vous a-t-elle découragée à avoir un deuxième enfant ?
Absolument pas ! Un deuxième enfant est d’ailleurs en projet. En revanche, je pense que si les conditions d’accueil des enfants étaient meilleures, il y aurait peut-être moins de mères qui regrettent leur maternité ou qui la vivent difficilement. C’est pour cela que j’aimerais que l’on en discute collectivement, comme d’un sujet politique.
En quelques mots, quels conseils souhaitez-vous donner aux futures mamans ?
Le premier, c’est de se renseigner. Par la lecture ou par des podcasts, peu importe : on le sait, la connaissance c’est le pouvoir. Ensuite, on en parlait : faire un travail sur soi peut, je pense, adoucir les choses. On peut aussi s’organiser grâce aux informations glanées ici et là ; c’est sans doute le plus important. Enfin : ne pas avoir peur de demander de l’aide. Parce que c’est souvent quelque chose qu’on met du temps à faire en tant que parent. On se dit qu’on est nul alors qu’en fait, on est juste seuls, isolés…
*Enceinte, tout est possible, aux éditions Lattès, est paru en 2016. Nous vous en parlions dans cet article : Confidences de maman : la grossesse zéro tabous de la journaliste Renée Greusard **Choisir d’être mère, de Rénée Greusard, éditions JC Lattès Crédit Photo : Marie Rouge