Parler deux langues, être nourri de deux cultures différentes est une grande richesse pour un enfant, mais aussi un défi pour les parents. Entre rituels au quotidien, apprentissage en douceur et petites difficultés, vous avez accepté de partager avec nous vos expériences et la façon dont vous gérez l’éducation de vos enfants entre deux pays. Témoignages.
Aurélie, maman de deux petites filles franco-italiennes
« Je suis Française et j’habite maintenant en Italie avec mon mari italien. Pour nous, la question ne s’est pas posée, dès leur naissance j’ai naturellement parlé à nos filles le plus possible en français et lui en italien. Ma famille leur a également parlé en français dès le départ. Ensuite, lorsque l’aînée a commencé à grandir, je lui ai lu et raconté des histoires en français, chanté des chansons en français… Comme si nous habitions en France. Nous nous sommes rapidement aperçus qu’elle comprenait les deux langues parfaitement. Étant en Italie, entourée d’italiens (famille, crèche puis école), elle a naturellement commencé à parler en italien, et petit à petit elle glissait quelques mots en français au milieu de ses phrases quand elle me parlait. Elle faisait aussi cela parfois avec sa grand-mère italienne, ce qui nous a valu quelques fous rires !
Et puis vers l’âge de trois ans, le déclic s’est fait, elle a commencé à parler en français comme elle parle en italien. Elle a aujourd’hui trois ans et trois mois et elle parle parfaitement les deux langues, en nous corrigeant, soit son père quand il parle français, soit moi en italien !
Nous avons donc agi de la même façon avec sa petite sœur, qui a aujourd’hui un an et demi et comprend également les deux langues. Elle commence à parler et nous nous sommes aperçus récemment qu’elle utilisait quelques mots en français à la maison, et en italien à la crèche, par exemple pour demander sa tétine.
Pour l’instant elles n’ont pas l’air perturbées puisque tout s’est fait naturellement. L’aînée prend du plaisir à parler en français avec ses grands-parents, oncles et copains, elle en est fière et essaie même d’enseigner cette langue à ses camarades de classe italiens. »
Marie, maman de deux garçons franco-argentins
« Je vis actuellement à Rio avec mon mari et mes deux garçons Gaston et Léon, qui ont respectivement trois et deux ans. Ils sont tous les deux nés à Buenos Aires et sont donc franco-argentins. Je suis enceinte de six mois d’une petite fille qui naîtra à Rio et sera franco-brésilienne ! Pour nous, le choix de vivre à l’étranger est avant tout une immersion dans une nouvelle culture et tout ce qui va avec : la langue, le mode de vie, le mélange culturel…
C’est pourquoi nous avons opté pour des écoles « locales » pour nos enfants afin qu’ils apprennent rapidement la langue, ce qui est le premier pas indispensable pour comprendre et s’adapter à la culture du pays où ils se trouvent. Nous avons aussi choisi des babysitters brésiliennes, ce qui a tout de suite fait d’eux des petits Brésiliens ! Finalement, dans notre cas, il est plus compliqué de les faire évoluer vers le français que vers le portugais ! Ils progressent vraiment en langue française quand nous allons en France voir nos familles l’été.
Même si à la maison mon mari et moi ne leur parlons qu’en français, nous nous rendons compte que le vocabulaire que nous utilisons est souvent le même. Alors nous lisons des histoires en français et nous mettons aussi les dessins animés en français.
Mais nous ne pouvons pas toujours contrôler, et entre eux deux ils parlent portugais pour jouer. Je pense qu’ils savent naturellement adapter la langue qu’ils emploient selon les personnes avec lesquelles ils parlent, même s’il n’est pas encore facile pour eux de différencier les deux langues ! Tout cela paraît tellement naturel chez eux que nous ne nous posons pas trop de questions pour le moment. J’imagine que l’apprentissage de la lecture sera une autre étape, les méthodes étant différentes d’un pays à l’autre. Il nous faudra choisir un système d’éducation et le garder quel que soit le pays. »
Babeth, maman de deux petites filles franco-congolaises
« Je suis française d’origine congolaise. Mon mari est français et nous avons deux petites filles âgées de 9 et 4 ans. La question de l’origine, de ma peau noire et de la leur métissée n’est apparue que tardivement au sein de notre foyer, depuis qu’elles sont scolarisées. À partir de ce moment-là, elles ont posé mille questions sur le Congo (mon pays d’origine) et les différentes langues que l’on parle là-bas. Elles ont goûté très tôt à la cuisine locale grâce à ma mère, qui, parce que c’est le meilleur cordon bleu que je connaisse, a réussi à les faire tomber sous le charme des plats typiques du pays.
En ce qui concerne la langue, il faut dire que je ne la parle pas moi-même mais je la comprends. Je n’avais donc pas envie que mes filles ne la comprennent pas ! C’est pourquoi je me suis procuré des livres qui abordaient la connaissance de ma langue maternelle par le biais de jeux, de chansons ou de poèmes. Et j’ai surtout demandé à mes parents de leur parler un maximum en « Lari » lorsqu’elles sont chez eux. Ceryse et Salomé sont ravies de ces techniques d’apprentissage et sont fières de prononcer certains mots devant toutes la famille. Vivre au sein d’une famille mixte a beaucoup d’avantages, cependant nous rencontrons quelquefois certains inconvénients. Nous apprenons à nos filles que notre différence est notre force mais surtout notre signature ! Que notre famille est unique, comme toutes les autres d’ailleurs, et qu’il faut savoir en être fiers. »
Raphaëlle, maman de Louise, franco-britannique
« Je suis française, mon compagnon est d’origine britannique, et notre fille de sept ans, Louise, parle donc couramment français et anglais. Comme nous nous installons à Berlin, elle ajoutera bientôt l’allemand à ses connaissances. Son papa lui parle uniquement en anglais depuis sa naissance, et moi je lui parle en français. Comme nous sommes autant présents l’un que l’autre, il y a un véritable équilibre entre les deux langues, en tout cas à la maison. Nous essayons de mixer les deux cultures pour certains événements, comme la petite souris et « tooth fairy » pour les dents, ou les traditions de Noël… On les additionne, on les compare aussi quand l’occasion se présente.
Pendant les cinq ou six premières années, nous avons veillé à ne pas mélanger les deux langues mais maintenant, il m’arrive de lui répondre en anglais quand elle s’adresse à moi dans cette langue. En revanche, son papa ne lui parle jamais français afin que la langue anglaise reste bien présente dans un environnement francophone. C’est pour cela aussi que nous lui proposons beaucoup de livres en version anglaise, comme Dr Seuss, Roald Dahl ou Calvin and Hobbes, tout comme les films que nous regardons avec elle en version originale. Elle est elle-même en demande de livres et de films sans que la question de la langue ou de la culture ne se pose pas vraiment.
Je n’ai pas la sensation que nous ayons rencontré de difficultés particulières, mais nous avons pu constater dans d’autres familles que l’adoption de la deuxième langue était parfois tardive. Mon seul conseil aux parents serait celui de persévérer avec ce postulat de base : « un interlocuteur pour une langue », et ne surtout pas désespérer si cela semble long au démarrage. On parle en années, pas simplement en mois ! »
Tiphaine Lévy-Frébault
Crédit photo : Zara
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