Un enfant qui mange trop peu, nous oppose des refus systématiques face aux légumes, semble incapable de rester assis… Est-il normal que l’on frôle la crise de nerfs dès que l’on passe à table avec nos enfants ? Comment sortir de ce cercle infernal et (re)faire du temps des repas un moment de joie ? Les conseils de Maelys le Levreur, éducatrice de jeunes enfants, éducatrice Montessori et fondatrice de My Little Coaching.
Pourquoi les repas tournent souvent à la crise de nerfs avec nos jeunes enfants ?
L’alimentation est, avec le sommeil, le sujet le plus important, et, potentiellement, le plus crispant… Ou, au contraire, le plus réjouissant. C’est d’autant plus particulier pour nous, Français, parce que culturellement la nourriture et le moment des repas sont très importants. Alors quand un enfant ne mange pas suffisamment en quantité ou pas assez de telle ou telle catégorie d’aliments à notre goût, nous sommes inquiets. Mais nous avons tendance à oublier une chose : un petit être a le droit d’avoir son avis, d’être acteur dans son alimentation et dans sa diversification.
Lorsqu’il a 8-10 mois, l’enfant se rend compte qu’il a un corps, une personnalité, il doit faire connaissance avec lui-même et avec le monde. Il s’aperçoit par exemple que lorsqu’on le fait manger, s’il garde sa bouche fermée, cela provoque une certaine réaction chez nous. Cela fait partie de son apprentissage du monde. Nous devons réussir à apporter autre chose à nos enfants au moment des repas.
Faut-il alors le laisser manger ce qu’il veut et comme il le souhaite ?
Sans aller jusque-là bien sûr, il faut savoir prendre du recul. Nous, les mères nourricières, nous avons dans l’idée que les joues et les cuisses de nos enfants doivent être bien rebondies… Mais nous devons surtout garder à l’esprit qu’aucun enfant ne se laissera dépérir !
Si on est inquiet sur la quantité de ce que mange un enfant, il faut regarder sa courbe de poids. Cela suffit généralement à nous rassurer. Et puis, comme nous, un bébé ou un enfant a le droit d’avoir plus ou moins faim, en fonction des jours et des moments de la journée.
Et puis, soyons honnêtes, le temps des repas peut rapidement devenir, pour un enfant, un moment d’injonctions. On lui demande d’ouvrir et de fermer la bouche, de bien se tenir, de finir son assiette… Alors que les repas doivent être des moments de partage en famille, où l’on peut discuter de ce que l’on a vu, de ce que l’on a fait, de ce que l’on va faire…
Concrètement, comment réagir face à un enfant qui ne veut pas manger ?
L’enfant doit comprendre qu’il mange pour lui, pas pour nous. Inutile donc de le faire culpabiliser parce qu’il ne veut pas du plat qu’on l’on a passé du temps à lui préparer. Il faut aussi oublier les vieilles méthodes type « une cuillère pour mamie », l’avion, etc…
J’ai fait une petite expérience avec les membres de mon équipe à la crèche en transposant leur attitude avec les enfants : à la fin d’un repas, je leur ai dit : « Bravo, vous avez bien mangé, je vais le dire à votre mari ce soir », et je leur ai donné un bonbon… Cela a radicalement changé leur manière de voir les choses. Maintenant, nous expliquons aux enfants pourquoi ils mangent, ce qui se passe dans leur corps et ce qu’ils vont pouvoir faire avec les forces retrouvées grâce aux vitamines des aliments – et il faut beaucoup d’énergie pour aller faire du toboggan l’après-midi ! Lorsque nous avons compris ça, les enfants peuvent aussi le comprendre et nous pouvons lâcher prise.
C’est d’ailleurs sans doute le maître-mot en matière d’alimentation : lâcher prise ! Il faut regarder son enfant : il a de l’énergie. Et s’il a moins bien déjeuné ce midi, il se rattrapera au goûter. Il faut se mettre à sa place : vous n’aimeriez pas que l’on passe tout un repas à vous rappeler à l’ordre ou que l’on décide pour vous de la quantité que vous allez manger.
Et s’il refuse systématiquement de manger des légumes par exemple ?
Certains enfants traversent ce qu’on appelle la période blanche : ils ne mangent que des pâtes, des pommes de terre et du riz. Ce n’est pas très grave, dans la majorité des cas, cela passe. On peut aussi opter pour le camouflage des légumes, en les mélangeant à d’autres aliments et en les enrobant de panure par exemple. Mais dans ce cas, je pense qu’il est indispensable de dire à l’enfant ce qu’il mange. Cela lui permettra de savoir qu’il a, par exemple, un jour aimé le brocoli. Lorsqu’il lui en sera proposé sous une autre forme, il s’en souviendra.
En revanche, il faut à tout prix éviter de lui cuisiner autre chose que ce qu’on avait prévu pour son repas : on ne prépare pas une purée de carottes à un enfant parce qu’il ne veut pas de celle aux brocolis. Il peut faire des choix, mais pas celui-ci.
Gardons également à l’esprit qu’il faut goûter cinq fois d’un nouvel aliment pour que le palais commence éventuellement à l’apprécier. Il ne faut donc pas hésiter à proposer des légumes à plusieurs reprises, même si on a essuyé un ou plusieurs refus.
Autre astuce pour les aider à apprécier les légumes ou à restaurer la convivialité au moment des repas : proposer des temps spéciaux, tels que le « mercredi ciné-club » par exemple. On prépare un plateau avec des petits légumes et d’autres choses, que l’on déguste en regardant un dessin animé en famille. Mais ces moments-là doivent rester exceptionnels : manger devant un écran est tout sauf une bonne habitude.
Comment réagir face à un enfant qui ne se tient pas bien à table ?
Il faut là aussi prendre du recul et ne pas oublier qu’un petit a besoin de bouger. Maria Montessori évoque la période sensible du mouvement pour nos enfants : dès lors qu’un petit marche, il a besoin d’escalader, de bouger presque en permanence. Si la chaise haute était pratique un temps, elle peut devenir trop contraignante pour lui. Les chaises évolutives pour cela sont très efficaces : l’enfant peut s’y installer et en sortir seul à sa guise.
Si au cours d’un repas, l’enfant ne tient pas en place (20 minutes sans bouger, c’est très long pour un enfant), il ne faut pas hésiter à le rendre acteur : on peut l’envoyer chercher du pain ou autre chose dans la cuisine. De cette façon, on répond à son besoin de mouvement.
Dernier conseil enfin : si la situation est compliquée, il ne faut pas hésiter à passer le relais dès que c’est possible. Il faut, encore une fois, savoir lâcher-prise !