À 38 ans Tiphaine a pris conscience qu’elle voulait fonder une famille et devenir mère, avec ou sans papa. Deux ans plus tard, l’année de ses quarante ans, sa fille naissait grâce à un protocole de congélation d’ovocytes et d’insémination avec donneur réalisé en Espagne. Avancer en solo dans son projet de maternité, faire face au poids des décisions prises seule et au regard des autres, gérer les questions logistiques du quotidien : loin des clichés sur la parentalité, Tiphaine nous confie son histoire de maman célibataire et heureuse…
Quand et comment le projet de faire un enfant seule s’est imposé à toi ?
Quand je me suis séparée de mon précédent compagnon, j’avais 38 ans. Pour me changer les idées, je suis partie en vacances avec mes copines, qui m’ont alors parlé de la congélation d’ovocytes qui me permettrait de retarder mon horloge biologique… Et c’est ce que j’ai d’abord fait en rentrant. Après réflexion, je me suis dit qu’entre les hommes qui ne veulent pas d’enfants, ceux qui ne veulent pas s’engager, ceux qui en ont déjà et qui n’en veulent plus… J’allais prendre les devants. Je me suis fixé l’année de mes 40 ans pour mettre en œuvre ce projet de bébé.
Peux-tu nous raconter ce parcours et ses différentes étapes ?
Entre le moment où j’ai pris conscience que j’avais une « deadline » pour avoir un enfant et celui où je suis tombée enceinte, un peu plus de deux années se sont écoulées. J’étais suivie en Espagne, dans une clinique de Valence qu’une amie m’avait recommandée.
En deux ans, j’ai donc réalisé deux protocoles de congélation d’ovocytes. Et début 2017, l’année de mes 40 ans, j’ai commencé les stimulations en vue d’une insémination (grâce à un don de sperme d’un donneur anonyme). Le médecin de la clinique m’a contactée pour me dire qu’il ne restait plus qu’un seul ovocyte, les autres n’avaient pas tenu. J’ai fondu en larmes avant de me dire qu’un seul pouvait suffire… Au mois de mai de la même année, on a procédé à l’insémination et cela a fonctionné !
As-tu été entourée et accompagnée par un(e) proche à chaque étape ?
J’ai ressenti beaucoup de bienveillance autour de moi, aussi bien du côté de mes proches que du corps médical. Pendant toute la période des examens, j’avais également mis deux amies dans la confidence, une qui m’avait parlé de la possibilité de congeler mes ovocytes et une autre qui était dans un parcours de PMA à ce moment-là. Je me sentais comprise avec elles.
Mes parents aussi savaient ce que je faisais. Ma mère a eu plus de mal à l’accepter, elle avait très peur pour moi que ça ne fonctionne pas.
Comment as-tu vécu cette grossesse ?
Pendant la grossesse, je me suis sentie bien, je n’ai pas ressenti la moindre solitude. Après toutes les étapes par lesquelles j’étais passée, je l’ai vécue comme un aboutissement avec une sorte d’extase.
Comment abordes-tu avec ta fille la question de ses origines ?
Pour l’instant, j’en discute avec le personnel de la crèche, ils sont très compréhensifs. Et je lui lis des livres qui traitent de cette question. Je me tourne plutôt vers la littérature anglophone car je trouve très peu de choses en français.
Personnellement, ce que je lui dis, c’est qu’un docteur a donné une graine à sa maman pour qu’elle soit là. Je parle du docteur plutôt que du donneur pour éviter toute projection.
Et j’ai gardé des coupures de presse de la période de sa naissance pour qu’elle comprenne dans quel contexte elle est née, où en était la France à cette époque sur ces questions de PMA.
Elle n’a pas de « problème », mais je l’emmène également voir un pédopsychologue, par précaution, pour avoir les clés pour bien réagir.
Y-a-t-il des choses qui te semblent plus complexes que tu ne l’imaginais ?
Maintenant que ma fille est là, cela n’implique pas que moi. Certaines questions sont plus sensibles. Les gens peuvent être mal à l’aise car je casse les codes, je ne rentre pas dans les cases. Je vais devoir notamment revoir mes ambitions pour l’école. J’ai initialement fait un dossier dans une école privée mais il n’a malheureusement pas été accepté parce que Léa, ma fille, n’a pas de papa. Je ne rentre pas dans le moule, donc ça ne convient pas. Mais ce n’est pas grave, a posteriori, je me dis que je préfère une école plus ouverte, où elle sera bien acceptée et où ce sera plus facile pour elle.
Est-ce que quelqu’un est entré dans ta vie depuis la naissance de Léa ?
Pas pour le moment. Ma fille a deux ans et je dors enfin mieux les nuits. Je retrouve une vie sociale. Je suis célibataire, mais je suis confiante. Et à présent, je sélectionne, je me dis qu’une soirée que je ne peux pas passer avec elle, cela ne doit pas être avec n’importe qui…
Quel conseil donnerais-tu aux femmes qui se lancent dans ce projet ?
Avec du recul, ce que je veux dire, c’est de ne pas tarder ! Pour moi, il faut rester en alerte à partir de 30-35 ans et commencer dès cet âge-là à faire des examens médicaux pour savoir où on en est physiquement. Beaucoup de gens perdent leur temps dans des histoires et des femmes se retrouvent finalement à 40 ans sans enfant alors qu’elles en voudraient. On a malheureusement notre horloge biologique qui tourne et c’est un paramètre que nous ne maîtrisons pas du tout.
Il faut avoir le courage de prendre la décision, ne pas avoir peur, car de toute façon la vie ne se déroule pas comme on l’a écrite au départ. Il faut faire sa vie selon son ordre à soi, faire ce qui nous rend heureux. C’est tellement de bonheur finalement, que l’on oublie les moments difficiles.