Vous vous êtes peut-être déjà posé la question, sans oser faire le premier pas. Et si je donnais mes ovocytes pour aider d’autres femmes à devenir mères, d’autres couples à devenir parents ? Le don de gamètes, volontaire, anonyme et gratuit en France, soulève une foule de questions : puis-je donner, quand donner, comment, pourquoi et pour qui ? Quelles sont les étapes d’un don d’ovocytes et comment sont utilisés les dons ? Qu’est-ce qui change avec la nouvelle loi de bioéthique du 2 août 2021 ? On a posé toutes nos questions au Dr Claire de Vienne*, médecin référent en Assistance Médicale à la Procréation au sein de l’Agence de la biomédecine.
MOI, DONNEUSE ?
Qui peut donner ses ovocytes ?
Toutes les femmes en bonne santé âgées de 18 à 37 ans peuvent donner leurs ovocytes.
Puis-je faire un don si je n’ai jamais eu d’enfants ?
Oui, depuis 2016 le don d’ovocytes est ouvert aux femmes nullipares.
Puis-je faire un don d’ovocytes juste après une grossesse ?
La période post grossesse peut être propice au don d’ovocytes, avant la reprise du travail et de la contraception, cependant la période d’allaitement n’est pas compatible avec le don.
Faut-il arrêter sa contraception pour faire un don d’ovocytes ?
Oui, si vous prenez la pilule, vous devrez l’arrêter un mois avant le début du protocole. Si vous portez un stérilet hormonal, il faudra également le faire retirer un mois avant, et utiliser des préservatifs pendant cette période. En revanche, un stérilet au cuivre ne gêne pas le fonctionnement des ovaires, il peut être maintenu pour éviter un début de grossesse.
Le mode de contraception peut être repris dès le premier jour des règles suivant le don.
À qui est destiné mon don ?
Jusqu’en 2021, le don d’ovocytes est destiné aux couples hétérosexuels en situation d’infertilité ou qui présentent un risque de transmission d’une maladie grave. Depuis la nouvelle loi de bioéthique du 2 août 2021, il bénéficie à toutes les femmes qu’elles soient en couple avec un homme, une femme ou bien seule qui ont le projet de devenir parents et qui s’inscrivent dans le cadre médical et légal de l’assistance médicale à la procréation (PMA).
Puis-je aider des amis en attente d’un don d’ovocytes ?
En vertu de la règle de l’anonymat entre la donneuse et la receveuse, il n’est pas possible de faire un don dirigé. Le don est anonyme et gratuit et ne peut donner lieu à aucune contrepartie. Néanmoins, il est possible de contribuer à la mécanique vertueuse de solidarité au sein des centres de don en parlant du don autour de soi pour encourager plus de personnes à donner. Ce sont toutes les personnes en attente qui bénéficient d’une diminution du délai d’attente.
Écoutez notre épisode de podcast avec Domitille, donneuse, et Aurélie, receveuse…
L’ANONYMAT EN QUESTION
Le don sera-t-il toujours anonyme lorsque la nouvelle loi de bioéthique du 2 août 2021 entrera en vigueur ?
Oui, le principe de l’anonymat entre donneuse et receveuse est maintenu par la nouvelle loi de bioéthique qui entrera en application le 1er septembre 2022.
Ce qui change : la loi instaure un nouveau droit d’accès aux origines pour les enfants nés d’un don de gamètes (ovocytes ou spermatozoïdes), afin de répondre à la demande des personnes nées d’un protocole de PMA avec don de pouvoir obtenir des informations sur leur donneur. Ainsi, à sa majorité, un enfant né d’un don de gamètes pourra selon son choix accéder à deux types d’informations sur le donneur ou la donneuse en formulant sa demande auprès d’une Commission spéciale placée auprès du Ministère de la santé :
– Des informations non identifiantes comme le pays de naissance, l’âge, la situation familiale et professionnelle, l’état de santé et les motivations du donneur au moment du don ;
Et/ou,
– L’identité du donneur ou de la donneuse.
La loi instaure ainsi un droit de connaître ses origines, en revanche le donneur ou la donneuse n’auront aucune information sur les personnes nées de leur don.
LES ÉTAPES DU DON
Quelle est la première démarche à effectuer pour faire un don d’ovocytes ?
La première démarche consiste à prendre rendez-vous dans le centre de don le plus proche de chez vous. Pour le trouver, rendez-vous sur le site dondovocytes.fr. Une équipe médicale vous recevra pour vous expliquer toutes les modalités du don et si vous décidez de poursuivre votre démarche, vous fera signer un formulaire de consentement.
Peut-on se rétracter une fois le protocole engagé, jusqu’à quand ?
Oui, la donneuse peut revenir à tout moment sur son consentement, jusqu’à l’utilisation des ovocytes prélevés.
Quelles sont les grandes étapes d’un don d’ovocytes ?
Après le premier rendez-vous, la démarche se déroule en 4 étapes :
1/ Bilan médical
– Un bilan de l’état de santé, des antécédents personnels et familiaux de la donneuse
– Une consultation génétique et des examens complémentaires afin d’évaluer la fonction ovarienne, déterminer le groupe sanguin, détecter la présence éventuelle de virus, réaliser un caryotype (examen des chromosomes) pour identifier les facteurs de risque de transmission d’une anomalie génétique à l’enfant issu du don.
– Une consultation avec un médecin anesthésiste
2/ Entretien avec un psychologue du centre de don pour échanger sur les motivations et les implications du don pour la donneuse.
3/ Phase de stimulation des ovaires
Après une ou plusieurs injections visant à mettre les ovaires au repos, commence la phase de stimulation : pendant 10 à 12 jours la donneuse reçoit des injections sous-cutanées quotidiennes d’hormones (réalisées par elle-même ou par un(e) infirmièr(e)), pour aboutir à la maturation de plusieurs ovocytes. Pendant cette phase, 3 à 4 prises de sang et/ou échographies sont réalisées pour évaluer la réponse ovarienne.
4/ Prélèvement des ovocytes
Le prélèvement est réalisé à l’hôpital, 35 à 36 heures après la dernière injection, par voie vaginale, sous anesthésie locale ou générale. La ponction dure une dizaine de minutes et est suivie d’une période de surveillance d’environ 3h. La donneuse sort de l’hôpital en fin de journée et doit être accompagnée.
Faut-il prendre des jours de congé pour faire un don ?
Non. Une journée d’hospitalisation est à prévoir pour le prélèvement, la donneuse pourra se faire délivrer un arrêt de travail.
Le don est-il pris en charge par l’Assurance Maladie ?
Tous les examens et actes médicaux sont pris en charge à 100% par l’Assurance Maladie, et les frais occasionnés par la démarche de don (frais de déplacement par exemple) sont remboursés sur justificatif.
Quels peuvent être les effets secondaires ?
Le traitement de stimulation ovarienne peut créer les mêmes sensations que des règles douloureuses, qui disparaissent à l’arrêt des injections. Dans les heures ou les jours qui suivent le prélèvement, la donneuse peut ressentir une sensation de pesanteur ou des douleurs pelviennes et constater de légers saignements vaginaux. Ces effets secondaires sont liés à la fois à la stimulation et au prélèvement. Ils sont en général sans gravité et ne durent pas.
APRÈS LE DON
Mes ovocytes sont-ils congelés automatiquement après la ponction ?
Beaucoup de centres s’organisent pour utiliser les ovocytes « frais », c’est-à-dire sans passer par l’étape de congélation. Pour cela, le centre synchronise les cycles de la donneuse et de la receveuse afin que les ovocytes puissent être utilisés le jour même de la ponction et les embryons transférés dans les jours qui suivent la fécondation in-vitro. Les ovocytes non utilisés seront congelés et conservés jusqu’à leur utilisation.
Pourrai-je un jour utiliser mes ovocytes prélevés lors du don pour effectuer une démarche de PMA afin de concevoir un enfant ?
Non. Les ovocytes prélevés dans le cadre d’un don sont destinés uniquement au don. La loi de bioéthique du 2 août 2021 permet désormais l’autoconservation des ovocytes sans raison médicale pour les femmes entre 29 et 37 ans en vue de la réalisation ultérieure d’une assistance médicale à la procréation (selon le décret du 28 septembre 2021 ).
Combien de couples puis-je aider à concevoir un enfant grâce à mon don ?
La loi précise que le recours au don de gamètes d’une même donneuse ne peut conduire à la naissance de plus de 10 enfants, dans les faits il est très rare que ce nombre soit atteint. En moyenne, un don d’ovocytes permet d’aider une à deux receveuses seulement.
Comment les receveurs sont-ils choisis ?
Les personnes qui bénéficient d’un don de gamète sont sélectionnées avant tout selon des critères de comptabilité médicale et génétique. Les couples en attente de don peuvent faire une demande d’appariement, afin de recourir aux ovocytes d’une donneuse ayant des caractéristiques physiques proches des leurs. L’appariement n’est pas toujours possible et peut entraîner des délais d’attente plus longs.
Les enfants nés de mon don pourront-ils connaître mon identité à leur majorité, en vertu de la nouvelle loi de bioéthique du 2 août 2021 ?
Oui, si vous effectuez votre don après le 1er septembre 2022 (date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi), en vertu du droit à l’accès aux origines.
Si vous effectuez votre don avant le 1er septembre 2022, aucun accès ne pourra être donné à vos informations personnelles, à moins que vous ne fassiez vous-même la démarche de consentir à l’accès à vos informations personnelles en contactant le centre où vous avez fait votre don ou directement la commission spéciale placée auprès du ministère des Solidarités et de la Santé, à partir du mois de septembre 2022.
Un lien de filiation peut-il être établi entre une donneuse et les enfants nés de son don ?
Non. Aucun lien de filiation ne peut être établi entre la personne issue d’un don de gamètes ou d’embryons et le donneur ou la donneuse.
POURQUOI DONNER ?
Quels sont les besoins actuels en termes de don d’ovocytes ?
En 2019, ce sont 3974 couples qui étaient en attente d’un don d’ovocytes en France et 839 femmes ont fait un don d’ovocytes la même année. Aujourd’hui, en France, le nombre de dons d’ovocytes n’est pas suffisant pour répondre à la demande de toutes les personnes en attente, un besoin qui va croître avec l’ouverture de la PMAaux couples de femmes et aux femmes célibataires.
La diversité du don, un enjeu majeur
Pour les receveurs issus de la diversité, les délais d’attente peuvent aller jusqu’à plusieurs années. En cause, le manque de dons et de diversité des donneuses : la diversité des donneurs doit être à l’image de celle de la population française et on manque de donneurs et donneuses afrodescendants ou asiatiques par exemple.
PLUS D’INFOS
Plus de réponses à vos questions sur le don d’ovocytes sur le site : dondovocytes.fr
Et sur Instagram, suivez le compte @jedonnemesovocytes
*Claire de Vienne est médecin référent en Assistance Médicale à la Procréation au sein de l’Agence de la biomédecine.
Réalisation : Les Louves en partenariat avec L’Agence de la biomédecine.
Crédit photo : Belly Balloon Photography pour Les Louves.