Cette amoureuse des bijoux anciens a fait de sa passion une marque éthique et engagée. Sur le site noircarat.fr, on chine des bijoux vintage certifiés en or, restaurés et à l’éclat ravivé par des professionnels. On a rencontré Fanny Le Van, maman et entrepreneure, à la veille de son deuxième accouchement, pour parler de maternité, d’écologie, de transmission entre femmes et de ces bijoux chargés de sens que l’on chérit parce qu’ils traversent le temps.
Tu as créé Noir Carat en 2019, mais ta passion pour les bijoux anciens a commencé il y a bien plus longtemps, quel est le premier bijou qui ait eu une valeur sentimentale à tes yeux ?
Ma passion remonte à l’adolescence, ce moment où l’on commence à porter des bijoux. Au lycée, ma mère a commencé à me prêter des bagues qu’elle avait elle-même héritées de ma grand-mère ou de mon arrière-grand-mère. Dans ma famille, les bijoux circulent entre les femmes : on se les confie, on se les prête assez naturellement. Il y a cette bague en or qui forme un nœud, que ma mère a eu pour ses 18 ans et que j’ai beaucoup portée. Il y a ce pendentif de mon arrière-grand-mère Léone : un médaillon porte-souvenir avec une plaque d’onyx, une croix et des perles anciennes, on peut y glisser une photo, c’est un beau souvenir de cette aïeule.
Un autre bijou très important : ma bague de naissance, elle est en or jaune sertie d’un saphir et de deux diamants. Cadeau de mon père à ma mère pour ma naissance, ma mère me l’a confiée pendant quelques années quand elle ne portait plus d’or jaune. Tous ces bijoux ont une valeur très forte pour moi, ce sont des cadeaux d’amour…
Comment est née l’envie de créer Noir Carat ?
J’ai fait une école de commerce et un début de carrière dans le marketing, mais c’étaient plutôt des choix par défaut… Mes expériences dans l’agro-alimentaire puis à la régie publicitaire d’un grand groupe média m’ont beaucoup appris, mais j’ai fini par m’ennuyer. Je pense avoir vécu ce qu’on appelle le « bored out », une perte de sens douloureuse dans mon travail. J’avais envie d’entreprendre mais je ne savais pas dans quel domaine. J’ai eu le déclic grâce à mon mari, c’est un passionné de montres anciennes et il chine beaucoup. En l’accompagnant dans les ventes aux enchères et aux puces, j’ai découvert ce milieu des bijoux anciens et toutes ces pépites qui dormaient en attendant d’être adoptées. J’ai pensé que c’était un énorme gâchis de ne pas redonner vie à ces bijoux !
Comment tu as démarré ?
J’ai d’abord chiné des pièces pour moi et mes copines, surtout pour leurs amoureux, nous avions bientôt 30 ans et les premiers mariages s’annonçaient. En 2019, nous avons déménagé à Lille avec mon mari et tout s’est accéléré. Il fallait que je me décide : créer Noir Carat ou retrouver un travail. J’ai postulé à Euratechnologies, un incubateur d’entreprises dans la tech, pour m’aider à me lancer. Noir Carat est né.
Quel était ton moteur dans ce projet ? Et d’où vient le nom de ta marque ?
Mon moteur, c’était de pouvoir donner une seconde vie aux bijoux, les sauver de l’oubli et d’accompagner les femmes dans des moments précieux de leur vie : fiançailles, naissances, anniversaires… Je souhaite proposer des bijoux que l’on se transmet de génération en génération, c’est pour cela que Noir Carat s’engage à sourcer de l’or 18 carats, l’or le plus robuste, pour assurer une qualité durable. Et le « Noir » fait référence à l’onyx du pendentif de mon arrière-grand-mère…
Le secteur de la gemmologie est un cercle d’initiés, est-ce que tu as dû te former ? Et est-ce qu’il n’est pas difficile de s’y faire une place ?
J’ai commencé par faire des stages chez des bijoutiers joailliers pour comprendre leur travail. La gemmologie est un métier à part, un cercle plus fermé. Les spécialistes, les écoles et les grandes maisons sont à Paris. Par chance, j’ai trouvé, grâce à LinkedIn, une gemmologue à Lille pour m’accompagner et me former pendant 3 ans. Elle m’a beaucoup appris et apporté. Au fil du temps, plus on voit de bijoux, poinçons et pierres, plus on se fait l’œil et plus le niveau de connaissance grandit, mais je continue de m’adresser à des gemmologues diplômés pour expertiser tous nos bijoux, en espérant trouver le temps pour une formation complète bientôt.
En quoi consiste ton travail au quotidien ? Tu écumes les brocantes et les ventes aux enchères ?
Oui, c’est une grande partie de mon travail. Brocantes, antiquaires, enchères : au fil des années, j’ai tissé mon réseau partout en France. Cela m’a pris du temps de les rencontrer, de gagner leur confiance, mais c’est très précieux aujourd’hui ! Ils connaissent mes besoins et mes goûts, et me contactent quand ils rentrent des pièces qui peuvent m’intéresser. Je fonctionne au coup de cœur, je n’arrive pas à acheter ce que je n’aime pas, il faut ce déclic, ce je ne sais quoi qui me séduit.
Les bijoux proposés sur le site sont très accessibles, comment parviens-tu à proposer des bijoux en or à un prix aussi doux après restauration et expertise ?
C’est vraiment un souhait de ma part de rendre accessible le bijou en or, et la seconde main permet cela. La majorité de nos bijoux sont proposés à moins de 500 euros, même si le cours de l’or a doublé entre 2019 et 2023, de 30 à presque 60 euros le gramme… J’aime l’idée que mes clientes puissent se faire des cadeaux, qu’elles se constituent une petite collection, moi-même je me passe davantage des bijoux fantaisie, je préfère la qualité et faire des achats plus durables, dans l’optique de consommer moins mais mieux.
Tu proposes aussi des bijoux en or recyclé, comment ça fonctionne et d’où vient l’or que tu recycles ?
Le projet de l’or recyclé est venu des bijoux que j’avais chinés mais qui étaient en trop mauvais état pour être restaurés. J’ai commencé à avoir un petit stock et j’ai décidé de l’utiliser. L’or est une matière recyclable à l’infini et modulable en or blanc ou en or rose sans altération de la qualité.
À partir de cet or fondu puis remodelé, je crée des bijoux plus contemporains : des chaînes dont on choisit la couleur, la maille et la longueur, des médailles que l’on peut faire graver, et des bracelets fins personnalisables, toujours en or recyclé 18 carats et à prix très doux (190 euros pour le bracelet lettre, ndlr).
Ta fille, Brune, est née un an après la création de Noir Carat, comment as-tu organisé ton congé maternité ? Est-ce que devenir maman a changé ta façon de travailler ?
Oui, clairement, ça a été un tsunami pour moi. Je n’ai pas pris de vrai congé maternité avant la naissance, et comme j’étais à mon compte, je pensais que je pourrais passer beaucoup de temps avec elle, partager mon temps comme je veux… J’avais décidé de la faire garder deux jours et demi par semaine à partir de ses 4 mois. Mais j’ai dû faire face à une grosse désillusion ! Au boulot je ne m’en sortais pas, et pendant les deux jours que je passais avec elle, j’étais frustrée ou je culpabilisais… J’ai vite repris un rythme de 5 jours par semaine avec la nounou !
On croit souvent que l’entrepreneuriat est le mode de vie idéal quand on est jeune maman, pour la flexibilité et la liberté que ça procure, qu’en penses-tu ?
J’ai été victime de cette illusion au début, mon mari aussi, malgré lui, a cru que je pourrais tout gérer puisque j’étais à mon compte. Mais être entrepreneure ne permet pas d’être disponible tout le temps, le cliché de la mumpreneur warrior ne tient pas longtemps… C’est épuisant. Ça a été une découverte et un long cheminement pour rétablir la parité entre nous. Quand il y avait une grève ou un imprévu, ça me retombait dessus systématiquement. Aujourd’hui, je dis quand je ne peux pas, j’impose mes contraintes de boulot aussi.
Tu es enceinte de ton deuxième enfant, Noir Carat est en plein développement, comment vis-tu cette grossesse par rapport à la première ? Est-ce que tu as recruté quelqu’un pour t’aider ?
J’ai recruté une alternante juste après la naissance de Brune, depuis, elle est devenue très précieuse pour moi, elle est un pilier. Mais je savais que j’avais aussi besoin d’un binôme, je me sentais très seule sur certains sujets, avec trop de pression sur mes épaules. J’ai rencontré Axelle dans mon incubateur autour d’un café. On travaille désormais ensemble et c’est tombé à pic, en même temps que ma deuxième grossesse, cela me rend plus sereine pour le congé maternité. Axelle a trois enfants et elle me comprend, c’est elle qui m’incite à ralentir et prendre conscience de mes besoins. Je découvre que c’est aussi ça le rôle d’une associée…
Une marque éthique qui prône une mode circulaire, consommer moins et mieux, est-ce que cela fait partie de ton mode de vie et de consommation, et de ce que tu souhaites transmettre à tes enfants ?
J’étais déjà adepte de la seconde main avant de créer Noir Carat : les fripes, le mobilier vintage, j’aime réutiliser l’existant. Devenir maman a renforcé ce besoin d’une consommation plus raisonnée : je fais plus attention maintenant pour mes produits de beauté, notre alimentation, j’essaie d’inculquer à ma fille le goût des produits bruts, peu transformés. Je pense souvent à elle quand je chine des bijoux, je pense à ceux que je lui transmettrai. Finalement, les enfants nous aident à voir plus loin, ça donne du sens à tout ce que je fais.
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Réalisation : Les Louves x Noir Carat
Crédit photo : Justine Buseyne