Fausse couche : « je ne m’attendais pas à souffrir autant »

La fausse couche est encore un sujet dont on ne parle pas assez. Preuve de la nécessité de libérer la parole sur le sujet, vous avez été très nombreuses à répondre à notre appel à témoignages pour partager votre histoire et nous raconter comment vous aviez surmonté cette épreuve. Nous publions donc tous vos témoignages, forts et sans filtre, pour laisser la discussion ouverte et créer un fil de soutien pour les unes et les autres. Voici l’histoire de Charlotte.

« Bonsoir les Louves,

Nous nous retrouvons ici… C’est que décidément, vous mettez en avant des sujets qui me parlent. Après avoir lu et écouté beaucoup de vos sujets, avec joie, curiosité, passion, émotion… Je me replonge dans des souvenirs douloureux mais vibrants, qui font la femme, la mère et même la professionnelle que je suis aujourd’hui. Des souvenirs que j’oublie parfois et auxquels j’aime me confronter d’autres fois. Pour ne pas oublier et partager. Avec vous les Louves on se projette, on se découvre, on se retrouve, on se marre, on pleure un peu également, c’est la vie, merci !

1/10000

En 2014, il y a 4 ans, nous avons perdu notre première fille, Jade. Nous avons pris la décision durant le second trimestre de grossesse de mettre fin à celle-ci devant un diagnostic anténatal dramatique pour notre bébé.
C’est toujours rare, 1/10000 cas, une immense claque pour des jeunes même pas trentenaires qui attendaient leur premier enfant avec cette légèreté des premières fois.
Le temps passe, le deuil et les autres projets qui réparent.

Sans contraception depuis ça, le lâcher-prise et l’envie commune presque inavouable d’une autre grossesse, d’un autre enfant, je tombe enceinte début Août 2016.
Mon mari Jean et moi, étions un peu sidérés. Nous le sommes restés à peu près une semaine. Beaucoup de questionnements… Sommes-nous vraiment prêts ? Et si ça recommençait ? (Car nous n’avons jamais trouvé de cause à la perte de Jade, ça pouvait recommencer ! )
Ces premières semaines de grossesse, j’avais l’esprit occupé par mon mémoire que je soutenais quelques semaines plus tard. Je n’avais étonnamment aucun symptôme, j’étais secrètement très heureuse, très vivante. Je dis étonnamment, car lors de ma première grossesse j’ai souffert d’hyperémèse gravidique (des nausées sévères avec vomissements, ndlr).
Je n’étais évidemment plus du tout légère, j’avais déjà perdu depuis longtemps cette innocence.
Je n’avais jamais pensé à la fausse couche durant ma première grossesse, mon gynécologue m’avait toujours dit que j’avais un utérus « béton » !
Et là, étonnamment j’y pensais ! Jean ricanait en me disant qu’il fallait bien que j’aie peur de quelque chose, que si je n’avais pas peur je n’étais pas moi-même. Il était difficile pour moi d’accepter que c’était une nouvelle grossesse avec son lot de risques, on recommence tout à zéro, et tout peut à nouveau arriver. Chaque grossesse est une loterie. Alors durant cette période j’étais à la fois fataliste, à la fois confiante – « il ne peut pas m’arriver encore quelque chose », et à la fois guidée par un instinct auquel je ne croyais pas jusqu’alors, et auquel je ne suis pas encore sûre de croire !
Chaque fois que j’allais aux toilettes, je scrutais ma culotte.

«  Chaque attente était une torture »

Je n’avais toujours pas de symptômes de grossesse, ça aussi ça m’inquiétait. Alors je me suis auto-prescrit une petite cinétique du taux de Bêta HCG pour voir… Chaque attente était une torture, toutes les 48h, le nœud dans l’estomac je regardais ce taux évoluer… Mais pas assez. J’ai pris mille avis, retourné la tête de mon gynécologue, comparé avec ceux d’une amie enceinte en même temps que moi. Je savais sans savoir. J’espérais tellement si vous saviez.
Pourquoi est-ce que je ferais une fausse couche, ça ne peut pas m’arriver, il n’y a pas de raison.
J’étais à ce moment-là enceinte de 9 SA, au détour d’un rendez-vous nous avons pu entendre son cœur, il y avait une activité cardiaque. Mais cela était entaché par ces taux que le gynécologue regardait et étudiait avec réserve.

Quelques jours après, avant-veille de ma soutenance de mémoire, je vais aux toilettes et ce que je redoutais tant était devant moi. Des pertes rosées, pas vraiment sanglantes, mais des pertes anormales. Un peu tétanisée, un sourire nerveux de façade, je reprends mon travail en essayant de relativiser.
Une heure après j’avais tellement relativisé que j’étais aux urgences gynécologiques… Un étage en-dessous de là où je bossais.
« L’embryon est bien là, au fond de l’utérus, il ne semble pas y avoir de signe de fausse couche imminente Charlotte ». « Tu sais les saignements en début de grossesse sont fréquents ». Je savais bien tout ça, mais là je savais que c’était différent.

« Il n’y a rien à voir »

Mon gynécologue me reçoit deux jours plus tard. Deux jours à nouveau très angoissants, j’ai eu 48h pour penser à toutes les éventualités, pour retourner le cerveau de tous mes proches… Mon mari ne peut pas être là, c’est ma maman qui m’accompagne. Je suis rapidement sur la table d’examen avec la sonde d’écho sur le bas ventre.
« L’embryon n’a pas évolué Charlotte, il est trop petit ».
Comme à mon habitude, je reste forte et silencieuse.

Ma maman assise à côté au bureau du gynécologue lance « Je peux venir voir ? »
Et cette phrase qui résonne encore : « Il n’y a rien à voir »… C’est la phrase assassine qui m’a fait le plus mal.
J’ai donné ma carte vitale en silence, payé en silence, puis je me suis effondrée en sortant du cabinet sans dire au revoir à personne. J’étais tellement en colère contre moi, contre la vie, contre ces prises en charge encore et toujours catastrophiques. Parce que je n’ai connu que ça dans mon vécu obstétrical, que des maladresses et des mots abrupts. Très peu d’empathie, ou trop cachée pour que je la voie, très peu entourée dans ces épreuves. Mon mari et moi sommes très autonomes dans la gestion de notre peine. Très peu de gens peuvent nous aider selon nous. Peut-être que cela transparaît et que personne n’essaie de nous accompagner. Mais quand même, on s’est souvent indignés de l’annonce et de la prise en charge de ce vécu. Si nous nous indignons c’est sûrement que nous sommes dans l’attente de quelque chose !

J’ai passé ma soutenance, dans cet état.
Puis nous avons déménagé de Bandol dans la Var à Aix en Provence.
Je me suis donc en urgence rapprochée d’un gynécologue reconnu sur Aix pour les grossesses difficiles, infertiles…  Tant qu’à faire autant s’entourer des meilleurs au cas où…
Je suis tombée sur un mec génial, le médecin bienveillant qui n’en fait ni trop ni pas assez.
Il m’a rappelé ce qui s’offrait à moi comme choix. J’ai choisi de ne pas passer au bloc pour un curetage. J’ai choisi, car cela était possible pour moi, de laisser faire la nature et de faire ma fausse couche naturellement. Mais c’était sans savoir ce qui m’attendait.

Il s’est passé 15 jours entre l’annonce de ma gynécologue et de ce rendez-vous chez mon nouveau gynécologue.
J’étais à 11 SA.

« J’ai été marquée par la douleur »

J’ai commencé à saigner tranquillement le 1er Octobre. Je savais ce que cela signifiait et j’attendais cela avec impatience. J’avoue que j’avais hâte que cela se finisse.
Je m’attendais à avoir mal comme de grosses règles, c’est ce que j’avais lu et entendu. Je n’avais donc aucun stress pour le côté physique de l’épreuve.
Évidemment ce fut tout autrement. Le 2 octobre dans la journée les douleurs se sont intensifiées et les saignements aussi. Heureusement c’était un week-end, mon mari était près de moi.
Je me suis installée une grande serviette éponge sur notre lit, je me suis calfeutrée allongée en chien de fusil dessus. Mon mari a été près de moi tout le long de ces 12h d’horreur. Je savais ce qu’étaient des contractions, mais celles-ci étaient atrocement douloureuses. Étonnamment, c’étaient de vraies contractions de travail, je ne m’attendais à rien en particulier, mais franchement pas à ça. Je ne m’attendais pas à souffrir autant. J’ai naïvement pris du Spasfon, du Doliprane. En vain bien entendu. J’étais ailleurs, en mode survie sur mon lit. Je me levais régulièrement et stratégiquement pour aller aux toilettes, laisser opérer la gravité et me vider de mon sang…. Puis du reste, vulgairement, dans les toilettes.
Au-delà de l’épreuve psychologique, au-delà de la répétition de malchances sur ces deux premières grossesses, j’ai davantage été marquée par la douleur de cette fausse couche que par mon IMG (interruption médicale de grossesse), durant laquelle je n’ai pas souffert.
Une douleur et une solitude viscérale rythmée par ces contractions très mal gérées, une douleur décuplée par le stress. Le stress de ne pas y arriver.
Je suis tombée deux fois dans les pommes, mon mari a téléphoné deux fois au SAMU en raccrochant au dernier moment car j’étais revenue à moi… Je suis très émue encore d’écrire ces mots.

J’ai saigné 1 mois et demi… Puis la vie a repris son cours. Ma chance a été de retomber enceinte deux mois après. Nous ne voulions plus attendre, nous rêvions de ce bébé.
En juillet 2017, après une grossesse également très difficile, Swann, notre fille, est née.

Depuis rien n’est oublié, rien n’est banalisé mais tout est relativisé…
Néanmoins je pense très important de partager ces bribes de vie pour aider d’autres jeunes filles, femmes à vivre, comprendre et appréhender au mieux un tel événement dans leur vie.
Et puis parce que témoigner et raconter c’est un peu faire vivre ces petits bouts de nous.

Chaque femme a son propre ressenti face à une ou plusieurs fausses couches. Chaque femme a son histoire, sa projection sur cette grossesse. Il est important de rester concernée et optimiste face à ce sujet.
Moi-même j’ai changé de regard sur celui-ci en y étant confrontée.

Mon récit est non exhaustif, je pourrais livrer ma réflexion et mon ressenti encore et encore.
Néanmoins je m’arrête là pour mon témoignage.

Je vous remercie de votre travail, de votre intérêt pour La Femme, de votre générosité et bienveillance à relater nos récits. »

Charlotte, 32 ans

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Crédit photo : Artem Kovalev-Unsplash