Avant le premier enfant, entre le numéro deux et le numéro trois, pour le petit dernier : un tiers des femmes autour de nous ont une histoire de fausse-couche à raconter. Pourtant, elles en parlent peu, s’imposant le silence comme si leur souffrance n’était pas légitime.
Une étrange omerta semble planer sur la fausse-couche. Une femme sur trois est amenée à la connaître, pourtant personne, et surtout pas elles, n’en parle vraiment. On s’intéresse de plus en plus (il était temps) à tous les sujets liés aux troubles de la fertilité : comment la préserver (chez les femmes comme chez les hommes, mais ceci fera l’objet d’un autre billet), comment la stimuler, comment gérer une démarche de PMA (procréation médicalement assistée)… La parole se libère sur ces parcours souvent longs, compliqués et de fait douloureux pour le couple, le moral et la perception de soi. Mais dans cette grande prise de conscience, peu de place est accordée à ce que l’on vit avant et après une fausse-couche, un sujet qui touche pourtant tous les couples, mêmes les plus « fertiles », ceux qui sont déjà parents comme ceux qui rêvent de l’être.
Un mal trop fréquent ?
Sur son blog, la journaliste Marie-Hélène Lahaye pointe du doigt cet oubli, ce « tabou social » qui interdit aux futurs parents de parler du bébé avant trois mois, et de fait les enferme dans le même silence en cas de fausse-couche… Comme elle, je me pose la question : pourquoi élude-t-on systématiquement ce traumatisme qui concerne une grossesse sur quatre ? Précisément, sans doute, parce qu’il concerne une grossesse sur quatre… Trop fréquent, donc banal et bénin ? Un raccourci trop vite fait. Pour une majorité de femmes qui vivront cet épisode à peu près sereinement, en se disant que « la prochaine fois sera la bonne », combien souffrent sans oser le dire, combien sont mal préparées à la violence de cet « avortement spontané », à la délivrance d’un fœtus mal accroché déclenchée par des contractions douloureuses et parfois traumatisantes ? Combien se doutent qu’une « simple fausse-couche » va sans doute les emmener tout droit en salle d’opération pour un curetage sous anesthésie générale ?
Sans dramatiser un phénomène qui relève de ce que l’on peut appeler la « sélection naturelle », on gagnerait sans doute à libérer la parole des femmes et de leurs compagnons pour accompagner ces quelques semaines de « deuil » inavouable. Simplement mettre d’autres mots sur cette perte qui nous touche au plus profond de nous-mêmes, d’autres mots pour faire passer les phrases violentes entendues dans le cabinet médical : « le bébé était mal accroché madame », « il n’était pas viable ». Simplement en parler, pour surmonter l’épreuve et pour mieux préparer la prochaine grossesse, qui, bien sûr, sera la bonne…
Lire le billet de Marie-Hélène Lahaye.
M. D.
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