Fin de congé maternité : comment les jeunes mères vivent-elles leur retour au travail ?

Quand le congé maternité prend fin et que la date du retour au travail approche, certaines d’entre nous trépignent, heureuses de retrouver la vie active et sociale d’avant, d’autres sont anxieuses à l’idée de se séparer de leur bébé, de retrouver un rythme contraint et des journées chronométrées… La période du retour au travail après le congé maternité est à la fois excitante et délicate, source de doutes et d’interrogations : vais-je retrouver mon poste à l’identique ? Les équipes ont-elles changé ? Vais-je réussir à retrouver mon engagement et mon efficacité ? Comment trouver mon rythme entre la charge perso et les exigences pro ? Mon entreprise est-elle soutenante pour m’accompagner dans cette période ? On a recueilli vos témoignages sur cette période pleine de défis et d’ambivalence.

Stress, angoisse et recherche de mode de garde : quand le retour au travail est impossible

Mélanie, 30 ans, Chargée de ressources humaines

« J’étais stressée à l’idée de reprendre le travail car il était difficile pour moi de me projeter dans une reprise sereine alors que nous n’avions pas de rythme, ni d’organisation claire et pas de mode de garde trouvé… De plus, j’angoissais à l’idée de laisser ma fille aussi petite à une autre personne, et de ne pas pouvoir continuer l’allaitement comme je le voulais.

Finalement, c’était trop compliqué de gérer avec les horaires de mon mari et le manque de relais pour nous aider, donc je n’ai pas repris le travail, et je me suis installée à mon compte.

Ma famille habite loin, j’aurais aimé avoir la possibilité d’un travail plus flexible sur une période de ma vie où j’en avais vraiment besoin, trouver rapidement un mode de garde pour respecter la durée du congé maternité, et parler à un psychologue également. Ma sage-femme était hyper attentive à ma santé mentale mais je n’osais pas dire que je n’allais pas bien. J’aurais aimé avoir la case “psychologue” inscrite obligatoirement dans mon suivi médical pour appréhender mon nouveau rôle de maman et tous les changements internes que l’on vit. »

« Je me sentais forcée de reprendre », un moment douloureux émotionnellement

Caroline, 32 ans, Responsable d’Enseignes GMS dans l’agro-alimentaire

 « J’ai repris aux 4 mois de mon bébé et j’ai eu de grandes difficultés pendant plusieurs semaines avant mon retour puis après mon retour. Je me suis sentie épuisée physiquement, fragilisée psychologiquement et pas du tout prête à retourner dans le monde du travail. Je culpabilisais de laisser mon bébé la journée et le soir je culpabilisais d’être moins efficace au travail. 

C’était comme si je n’étais plus tout à fait moi-même et que je devais feindre auprès de mon entreprise un grand retour alors que je n’en avais ni l’envie, ni la force. À la base je suis carriériste, mais ma maternité a chamboulé mes priorités. J’ai mal vécu mon retour au travail car je me sentais « forcée » de reprendre : à nos yeux il était impossible de vivre correctement avec l’aide d’environ 400 euros de la CAF pour prolonger en congé parental.

De plus j’ai dû abandonner mon allaitement, qui fonctionnait très bien, car je ne parvenais pas à le maintenir correctement. Cela aussi a été un « deuil » à faire… J’ai regretté que mon entreprise ne me propose pas une organisation pour soutenir mon allaitement. Nous sommes une PME certes, mais aucune solution viable n’était possible pour que je tire mon lait au bureau. »

Harcèlement et culpabilité : « J’ai subi les remarques et les reproches de ma manager »

Charlie, 37 ans, Conseillère

« Je n’ai eu aucun contact avec ma manager pendant mon congé maternité. Lorsque j’ai annoncé la naissance, elle ne m’a pas félicitée, donc je m’attendais à des reproches. J’avais raison. J’ai donc très mal vécu mon retour au travail car j’ai eu droit à des remarques subtiles et des reproches gratuits, tellement bien formulés que mes collègues ne s’en sont pas rendu compte.

Elle m’a fait sentir que je n’étais pas utile à l’équipe pour me faire culpabiliser de m’être absentée, et me faire comprendre qu’ils avaient réussi malgré tout à gérer sans moi. À deux reprises elle a eu cette phrase : « on a récupéré la 5e roue du carrosse », quand nos clients la félicitaient pour mon retour, car eux étaient contents de me retrouver et personne n’a relevé à quel point c’était méprisant. J’ai eu besoin de quelques semaines pour retrouver mes réflexes, durant cette période elle m’a fait me sentir inutile et incapable. Heureusement j’ai été soutenue par le reste de l’équipe et l’accueil très chaleureux de mes clients à qui j’avais sincèrement manqué.

De l’empathie et du soutien, c’est tout ce que j’attendais de ma manager, je n’ai reçu que de la culpabilité. »

Nouvelle équipe, nouveau manager, isolement : « j’ai vécu un enfer pendant 6 mois »

Lise, 35 ans, Directrice de l’innovation 

« J’ai pris un congé prolongé jusqu’au 7 mois de mon fils, j’ai adoré les moments avec lui, mais j’avais besoin d’exister en tant que femme et le retour au travail était attendu avec impatience pour moi. 

À mon retour, on m’a annoncé que mon équipe avait été dissoute, mais que je ne devais pas m’inquiéter car on m’avait intégrée dans une nouvelle équipe. On m’a assurée que le contenu du poste serait le même qu’à mon départ (j’aimais beaucoup mon poste), et que j’allais simplement changer de manager, et que ma nouvelle manager était géniale… J’ai attendu 3 jours qu’elle prenne contact avec moi. Sans nouvelle de sa part j’ai fini par la contacter. La première discussion a été une succession de « red flag », mais j’ai décidé de passer outre et de m’accrocher. 

À partir de là, tout s’est dégradé. Ma nouvelle chef m’a isolée de tout le monde, ne m’a absolument pas accompagnée sur ce poste. Il a été rapidement clair que ses attentes étaient totalement différentes de ce qui m’avait été annoncé en termes de contenu de poste. Je n’avais quasiment pas de travail, et le peu que j’avais à faire ne coïncidait pas du tout avec mes compétences ou attentes, et je n’étais pas accompagnée. Elle m’a plusieurs fois mise dans des situations dégradant mon image et ma crédibilité : par exemple elle m’a fait présenter mon travail sur un sujet que je ne maîtrisais pas du tout devant mon N+3 pour ensuite me démolir devant lui. 

Une fiche de poste a fini par émerger 4 mois après mon retour, je ne cochais AUCUNE case en termes de compétences ou d’expériences, alors que j’ai 12 ans d’expérience. Et elle ne me donnait aucun accompagnement. Quand j’ai pointé cela du doigt, elle m’a répondu : soit tu restes et tu t’adaptes, soit tu postules dans une autre entité (aucun poste ouvert ne correspondait à mes compétences), soit tu pars. 

 J’ai vécu un enfer pendant 6 mois jusqu’à ce que je réussisse à changer de poste, une fois que les RH sont intervenus car j’ai commencé à souligné le côté illégal du traitement qui m’était réservé. 

Je ne pense pas que l’attitude de cette manager soit liée à mon retour de congé maternité, mais je trouve dommage qu’il ait fallu des mois pour que les RH commencent à vraiment s’impliquer, à peu près au même moment où j’ai commencé à parler des Prud’hommes… 

Je sais que certaines personnes se sont battues pour moi, pour m’aider, pour me faire revenir dans mes équipes, et je leur en suis reconnaissante, mais cela a pris un temps infini, au détriment de ma santé mentale. Cette période de 6 mois dans cette situation instable m’a fait énormément de mal, et même si j’en suis sortie depuis presqu’un an, les effets négatifs s’en font toujours ressentir. 

Ce qui a manqué, c’est tout simplement pour commencer un e-mail le jour de mon retour de congé maternité. C’est un peu bête, mais juste avoir quelqu’un qui notait ma présence, mon existence, m’a cruellement manqué. 

Ensuite un suivi de ma situation. Si je n’avais pas provoqué des rencontres, des réunions, personne ne se serait intéressé à mon cas et à ma détresse. »

Les larmes, la joie, et l’épuisement des nuits sans sommeil

Caroline, Associée co-gérante d’une entreprise de conseil et formation

« J’étais à la fois très heureuse de retrouver mon équipe et inquiète d’arriver à trouver un équilibre, avec mes nombreux déplacements à Paris, j’habite à Lyon et j’ai fréquemment des réunions internes et des interventions à animer à Paris. Je me revois être en larmes dans le train pour mon premier déplacement, pourtant un moment joyeux de retrouvailles avec mon équipe.

La reprise du travail a coïncidé avec le début de troubles du sommeil de notre enfant (de ses 4 à 14 mois, réveils très longs d’1 à 2h parfois plusieurs fois par nuit) donc ça a été une des périodes les plus difficiles de ma vie. Épuisement, sensation d’être démunie, sentiment d’échec accablant de ne pas arriver à ce que notre enfant « fasse ses nuits », cercle vicieux infernal… Ça ne fait que quelques mois que j’arrive à parler de cette période sans avoir les larmes aux yeux.

Heureusement, mon équipe a été extrêmement soutenante. Nous n’avons pas de managers, nous sommes tous les boss dans cette entreprise. Le revers de cela, c’est que je n’ai pas de moment privilégié en 1to1 avec un référent pour faire le point régulièrement sur comment je me sens, mes besoins, mes difficultés, etc. Ça m’aurait aidé à mettre le doigt au plus tôt sur mes difficultés. »

« J’ai toujours été très bien accueillie à mon retour au travail »

 Adeline, maman de 4 enfants, Directrice Marketing

« Je fais partie des chanceuses pour qui chaque retour au travail s’est très bien passé ! Trois grossesses, quatre enfants (dont des jumelles) et deux entreprises. Dans chacune d’elle, j’avais des managers bienveillants, à l’écoute, conscients des enjeux de la parentalité et orientés sur les résultats indépendamment du temps de présence. À l’époque, le télétravail n’existait pas ou à peine, avoir des horaires flexibles et adaptés était donc très important. 

Pour chaque retour, j’ai été accueillie avec un petit déjeuner, une équipe réunie pour m’aider à reprendre, des temps d’échange et de partage pour reprendre les dossiers, des managers à l’écoute des petits aléas des premiers virus d’enfants.  Cela m’a permis de reprendre à la fois en douceur mais avec l’envie de me réinvestir, facilitant ainsi l’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle. 

Cependant, on sous-estime la fatigue ressentie lorsqu’on reprend. Assurer une journée complète d’attention sur des sujets professionnels, quand on sort de quelques mois où tout est haché (des nuits aux repas, aux micro-siestes, aux douches même !), c’est épuisant !

Dans le cas de mes premières et deuxièmes grossesses, ma reprise avait été fluide, l’équipe m’attendait, j’ai repris mes dossiers au fur et à mesure, je dirais qu’il n’y a pas eu d’éléments positifs ou négatifs. Les dossiers avaient avancé et je reprenais le train en marche, sans rien de très nouveau. Il a peut-être manqué un peu plus d’attention portée au nouveau rythme qui était le mien, mais je n’en garde pas un mauvais souvenir ! »

 

Merci à Adeline, Caroline C., Lise, Charlie, Mélanie, Caroline L. pour leurs confidences et leur confiance.
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