Son nom et son visage ne vous sont peut-être pas inconnus : Anna Roy est sage-femme à la maternité parisienne des Bluets et en libéral, enseignante en faculté mais aussi chroniqueuse pour l’émission Les Maternelles, sur France 5. Dans son dernier livre, « Histoires de sage-femme » (Leduc.s éditions), elle livre des tranches de vie : de sa vie professionnelle, mais aussi de la vie de ses patients croisés, avant, pendant ou après l’un des plus grands moments de l’existence : la naissance d’un enfant.
Ces histoires, Anna Roy les consigne dans un carnet depuis le début de sa carrière, soucieuse de ne rien en oublier. C’est sans doute ce qui lui permet de les conter en détails et avec une émotion toujours palpable.
D’anecdotes cocasses en histoires tragiques, de micro-récits bouleversants en constats édifiants, elle raconte un métier qui va bien au-delà de la fonction d’« accoucheuse ». Un métier dans lequel elle endosse, tour à tour, tous les rôles, et toutes les postures : « amie, sœur, mère, coach, rigide, laxiste, bavarde, taiseuse, impatiente et quoi encore ? Je ne sais même plus, un vrai caméléon. »
Un art, un beau métier qui se transforme
Son ouvrage dépeint aussi des conditions de travail toujours plus intenses et, parfois, dénuées de sens face à la réalité du quotidien des patients et des soignants. Elle évoque le manque de moyens et donc d’effectif et de temps pour accomplir ces gestes, pour accompagner des femmes (et des hommes) qui traversent une période unique et bouleversante de leur vie.
Maniant la langue avec maîtrise et parfois poésie, elle raconte ce métier « qui épuise et dégoûte ses professionnels les plus impliqués. Un art, un beau métier qui se transforme en une série d’actes codés exécutés toujours plus rapidement : codes JQGD010, SF15, SF12, JQGD012 » … « Et mon carrosse s’est transformé en citrouille », déplore Anna Roy qui évoque donc sans fard les travers des exigences de « rendement ». À commencer par les consultations, « qui doivent s’enchaîner à un rythme effréné : quinze minutes pour savoir comment elles vont, interpréter les résultats sanguins et/ou d’échographie et les examiner. Je vais même vous faire une confidence, un aveu absolument terrible : lorsqu’une femme se met à pleurer dans mon cabinet (ce qui est très fréquent), je suis mortifiée. Non pas par compassion, mais à cause du stress de prendre un retard qu’il ne m’est pas permis de prendre. »
Des expériences radicales et des leçons de vie
Mais le cœur de l’ouvrage d’Anna Roy, ce sont ces histoires, ces bribes de vies qui en disent long sur notre société et sur l’humanité.
Anna Roy évoque le manque de sommeil (celui qui épuise le couple jusqu’à parfois le fragiliser), le manque de communication (qui a le même impact), la place de l’aîné dans cette nouvelle fratrie… Mais aussi la PMA, les pressions familiales qui impactent notre confiance en nous-mêmes, les violences conjugales et le deuil périnatal.
Avec cette farouche volonté de sortir grandie de chaque expérience intense, Anna Roy partage des histoires vécues par elle-même et par les « autres » qui se lisent comme autant de leçons de vie et de sources d’inspiration pour une maternité plus harmonieuse.
« Histoires de sage-femme », d’Anna Roy, Leduc.s éditions
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