Démocratisé par la crise sanitaire, le télétravail pourrait bien s’ancrer durablement dans nos habitudes. À temps plein ou partiel, qu’on l’apprécie ou qu’on le subisse, c’est un nouveau mode de fonctionnement qui doit être intégré et, peut-être, optimisé. Nous avons demandé conseil à Fabienne Broucaret, fondatrice de My Happy Job et notamment auteure de « Télétravail, 10 séances d’autocoaching pour allier sérénité et performance »*.
Entre la vie domestique et le travail, on a parfois le sentiment que le télétravail a désorganisé notre quotidien et que notre concentration est diluée. Que faire lorsqu’on a besoin de retrouver de l’efficacité ?
La première chose à faire est de remettre une frontière entre vie pro et perso. Lorsque l’on travaille avec, dans notre champ de vision, une pile de linge ou de vaisselle, cela accroît la charge mentale. Le travail s’est invité à la maison et on peut avoir du mal à compartimenter. L’ordinateur est sur la table, les outils digitaux comme Zoom, Slack, ou Teams, de plus en plus présents… À peine terminé notre petit-déjeuner, on s’installe devant nos écrans, sans transition. Pour le cerveau, c’est difficile de se mettre à travailler. Alors que lorsque l’on travaille à l’extérieur, on a de nombreux rituels (temps de transport, salut aux collègues, etc.), qui aident notre cerveau à se mettre en condition. Si le télétravail nous fait gagner 20 minutes de transports par exemple, on peut se demander que faire de ce temps gagné. L’idéal est bien sûr qu’il soit utile : aller marcher pour se détendre, ou faire la vaisselle pour s’alléger de cette tâche. En fin de journée, on essaie également de créer un sas de décompression par un temps de marche par exemple.
Il me semble par ailleurs important de sacraliser la pause-déjeuner, et de s’imposer des limites horaires. Même si je suis chez moi, je ferme donc la porte du bureau ou je range l’ordinateur le soir pour éviter les tentations visuelles.
Il faut absolument séquencer les journées. En définissant les priorités, en créant des blocs : réaliser telle tâche de 9h à 10h sans distraction, s’accorder une vraie pause de 10h à 10h15 au cours de laquelle on s’aère et on lance une lessive… L’idée est de s’organiser pour pouvoir être pleinement à ce que l’on fait. Si l’on fixe un créneau horaire pour ce qui nous distrait du travail (tâches ménagères, appel au pédiatre ou à une copine) dans notre agenda, on évite de s’éparpiller. On est plus efficace.
Changer nos habitudes peut sembler difficile. Vous parlez dans votre livre de la stratégie des petits pas que l’on sait efficace en management. Comment peut-elle nous aider dans la vie quotidienne ?
L’idée est d’identifier les points d’amélioration et de travailler dessus par petites touches, pas de faire la révolution du jour au lendemain. Il est inutile et inefficace de s’imposer trop de contraintes. Concrètement, si une personne est dans le tunnel du travail du matin au soir, on ne va pas lui suggérer immédiatement de prendre une pause toutes les heures. Mais on peut lui proposer de faire sonner son alarme deux fois dans la matinée et de s’accorder 3 à 5 minutes pour se faire un thé, sortir et regarder à l’horizon – excellent pour lutter contre la fatigue visuelle. On peut aussi prendre ce temps pour appeler un collègue ou faire une micro-sieste… Quand on a intégré ce nouveau rituel, on s’en félicite (c’est très important !), et on en ajoute un autre.
Le télétravail présente des avantages indéniables pour s’organiser lorsque l’on est maman, mais finalement, on peut avoir plus de mal à prendre du temps pour soi… Comment retrouver l’équilibre ?
Depuis un an, les femmes sont encore plus sollicitées qu’en temps normal. Dans ce nouveau rythme, on a le sentiment de courir sans cesse entre le travail et les enfants, et de devoir être encore plus disponible pour les autres. Prendre du temps pour soi est pourtant plus que jamais fondamental. C’est pour ça qu’il faut aussi sacraliser ces temps de pause dans l’agenda. Faire du yoga, courir, jardiner… peu importe l’activité. Prendre 30 minutes plusieurs fois par semaine pour faire quelque chose qui nous fait du bien est aussi important qu’une réunion avec des collègues.
Ce temps de pause, cela peut aussi être un temps de réflexion autour de notre vie professionnelle, l’occasion de se poser et d’envisager les semaines ou les mois à venir. Nous sommes beaucoup dans la réaction, ça fait du bien de prendre un peu de recul. Il faut essayer d’identifier de qui nous motive, ce qui nous donne de l’élan, de l’énergie et ce qui au contraire en consomme trop.
Lorsqu’on est en couple et qu’on a des enfants, se pose la question de la répartition des tâches, que l’on soit tous les deux en télétravail, ou pas, que l’on soit salariés ou indépendants…
C’est un vrai sujet et la répartition des tâches est loin d’être équilibrée. Pourtant, il faut s’interroger sur ce qu’on peut faire pour que le partage soit équitable. Notre temps de travail, si l’on est maman et y compris lorsque l’on est à notre compte, doit être sacralisé. Ce n’est pas parce que l’on travaille à la maison que les enfants ne peuvent pas aller à la garderie ou au centre de loisirs.
Le télétravail présente de nombreux avantages mais pour autant, toutes les femmes ne l’ont pas bien vécu ces derniers mois, a fortiori lorsqu’il a fallu jongler entre travail et garde d’enfants. Nous savons que la situation peut encore se reproduire… Mais il est encore temps de s’organiser et de faire des roulements pour que tout le monde puisse travailler sereinement.
Un dernier mot d’ordre pour travailler efficacement à la maison ?
Déculpabiliser ! On ne peut pas être Wonder Woman sur tous les tableaux. Ce n’est pas parce qu’on télétravaille que la maison doit être nickel. Il faut choisir ses combats. Si l’on a une certaine liberté dans l’organisation de la journée, on peut tout à faire son jogging le matin après avoir déposé les enfants à l’école sans culpabiliser. Il faut tenter, s’écouter, faire des tests… C’est en osant des choses nouvelles qu’on trouvera ce qui nous convient le mieux.
* Télétravail, 10 séances d’autocoaching pour allier sérénité et performance, de Fabienne Broucaret, aux éditons Vuibert
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