À la naissance d’un bébé naît également son microbiote qui, à terme, contiendra une dizaine de milliards de bactéries. La nature de ces bactéries est, on le sait désormais, déterminante pour notre bonne santé physique et mentale. Et varie largement en fonction de nos conditions de naissance et de notre alimentation dans l’enfance. Dans son ouvrage « Incroyable microbiote », le gastroentérologue Julien Scanzi nous donne les clés pour optimiser la bonne santé des intestins de nos bébés.
Les recherches sur notre microbiote intestinal sont récentes et les découvertes passionnantes : sa contribution dans le développement du système immunitaire est majeure, il nous protège des microbes malveillants, régule notre métabolisme énergétique ou encore nous aide à métaboliser les médicaments – les rendant donc plus ou moins efficaces. En somme : la qualité de notre microbiote est déterminante pour notre santé générale. Lorsqu’il va mal, il constitue le terreau du développement de maladies chroniques, telles que le diabète et l’obésité, mais aussi de certains cancers et maladies neurodégénératives…
Le microbiote des êtres humains s’appauvrit
Si nos gènes se sont transmis à travers les générations sans grandes modifications depuis l’apparition d’Homo Sapiens, il y a 300 000 ans, il en est tout autrement de notre microbiote intestinal. Il a commencé à se détériorer il y a 20 000 ans avec l’avènement de l’agriculture, et de manière plus rapide et brutale ces dernières décennies avec l’industrialisation de notre régime alimentaire. Mais son manque de diversité et sa pauvreté en fibres ne sont pas les seuls responsables de cette évolution, écrit le Dr Julien Scanzi : développement de pratiques d’hygiène, césarienne, pesticides et antibiotiques ont largement contribué à modifier notre microbiote.
Le tableau est a priori pessimiste mais la bonne nouvelle, nous apprend encore le Dr Scanzi, c’est que notre microbiote ne repose pas seulement sur cet héritage. À peine 2% de ces milliards de bactéries sont influencés par notre patrimoine génétique. C’est bien davantage l’environnement immédiat dans les premiers jours et mois de vie qui en détermine la composition, influençant notamment le développement de notre système immunitaire dès la toute petite enfance.
L’accouchement, moment critique pour le microbiote des bébés
L’accouchement lui-même est un autre moment déterminant. S’il se déroule par voie basse, le bébé, lors de son passage par le vagin, entre en contact avec les sécrétions vaginales et fécales de sa mère. Quelques instants qui contribuent largement à l’ensemencement naturel et donc à une base riche, dès les premiers jours de vie, du microbiote. À une condition bien sûr : que la mère dispose elle-même d’un microbiote en bonne santé. Elle peut veiller à l’enrichir et à l’entretenir en consommant quotidiennement des aliments riches en fibres à effet prébiotiques (de nombreux légumes, légumineuses, fruits, graines et oléagineux) et des aliments riches en probiotiques (tels que le kéfir de lait, les légumes fermentés ou les yaourts).
Les bébés nés par césarienne (20% des naissances en France chaque année) disposent donc, à la naissance, d’un microbiote différent de ceux nés par voie basse, avec une plus faible diversité microbienne et une dominance d’espèces bactériennes plutôt retrouvées habituellement sur la peau. Cette différence met quelques semaines voire quelques mois à s’estomper. Pendant cette période, le système immunitaire peut peiner à se développer correctement, ce qui engendre un léger sur-risque de maladies telles que l’asthme et les infections respiratoires. « Même si peu d’études l’ont démontré, il pourrait être utile d’apporter au bébé, dans ses premières semaines de vie, un complément en certaines bonnes bactéries, comme des bifidobactéries et des lactobacilles, sous forme de probiotiques, éventuellement associé à des prébiotiques », écrit Julien Scanzi.
L’alimentation, facteur-clé du bon développement du microbiote
Sans surprise, on apprend dans l’ouvrage du Dr Scanzi que l’allaitement maternel est un autre facteur favorisant le bon développement du microbiote des bébés : le lait de la mère contient des petits sucres dérivés du lactose que le bébé ne sait pas digérer (les oligosaccharides) et qui, se retrouvant intacts dans les intestins, sont utilisés par les bactéries intestinales pour se nourrir et proliférer.
L’allaitement est donc globalement recommandé. Mais en cas d’impossibilité ou de refus, inutile de culpabiliser, rassure le Dr Scanzi : les formules infantiles actuelles sont souvent enrichies en ferments lactiques de type lactobacilles et en certaines oligosaccharides jouant le rôle de prébiotiques, qui aident les bonnes bactéries à se développer et à proliférer.
Et puis, la composition du microbiote intestinal n’est pas figée : elle se modifie et s’enrichit largement grâce à la diversification alimentaire. On parle de « réaction au sevrage », une étape cruciale dans l’enrichissement du microbiote, dont la composition deviendra proche de celle d’un adulte vers l’âge de 3-4 ans. D’où l’intérêt de veiller à une alimentation aussi saine et variée dans les 1000 premiers jours de vie. Mais également de limiter au strict nécessaire les traitements antibiotiques et anti-reflux notamment, dont on sait maintenant qu’ils peuvent avoir un impact négatif durable sur la composition du microbiote.
Certains aspects de la vie de nos bébés ne peuvent être contrôlés mais retenons donc que la santé de nos microbiotes, fondamentale pour notre santé globale, n’est pas figée. Ce que nous (et nos bébés) ingérons au quotidien est déterminant. Et, précise le Dr Scanzi, nous avons globalement tout intérêt à laisser nos tout-petits vaquer à l’une de leurs occupations favorites : porter à la bouche tous les objets qui leur tombe sous la main (hochets, doudous, mais pas seulement – dans la limite du raisonnable bien entendu), même s’ils nous semblent un peu sales.
Incroyable microbiote ! – Voyage au coeur des étonnants pouvoirs de l’intestin, de Julien Scanzi, Ed. Leduc.
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