Le corps après l’accouchement : les tabous du post-partum

Perte de cheveux, constipation, fuites, rapports douloureux… Ils sont nombreux ces maux du corps qui empoisonnent le post-partum et dont il est difficile de parler tant ils touchent à la corde sensible de l’intimité. À quoi sont-ils dus ? Comment les accepter et les soigner ? Eva Baeyens, sage-femme, nous éclaire.

Chute de cheveux : la valse des hormones

« La perte de cheveux post-accouchement a surtout une cause hormonale », explique Eva Baeyens. « Pendant la grossesse, les hormones freinent voire stoppent la chute habituelle des cheveux : on en a davantage. Après l’accouchement ou à la fin de l’allaitement, on perd ce surplus de cheveux et parfois plus. Une anémie, due aux pertes sanguines après l’accouchement, peut aussi être en cause. Ça peut aussi être, plus rarement, un problème de thyroïde. Concrètement, mes patientes me disent perdre des touffes de cheveux en se brossant. Le vécu émotionnel n’est pas facile… Les cheveux, c’est la féminité. »

Que faire ? D’abord se dire que cette chute est normale et passagère. « Si la perte est importante ou vous inquiète, vous pouvez néanmoins consulter votregénéraliste, sage-femme ou gynécologue pour faire vérifier votre taux de fer et votre thyroïde », conseille Eva Baeyens.

Relâchement de la peau : la mémoire du corps

Un ventre qui tarde à se raffermir, des seins comme dégonflés qu’on peine à reconnaître : le post-partum, c’est aussi se retrouver dans une autre peau. L’explication : « Le relâchement cutané est tout simplement dû au fait qu’on a grossi en attendant son bébé. Pendant 9 mois, tout le corps est gorgé, tendu, surtout au niveau de la poitrine et du ventre. De plus, la relaxine, une hormone sécrétée en fin de grossesse, relâche les tissus pour préparer l’arrivée du bébé. Il est tout à fait normal que le ventre ne dégonfle pas immédiatement : après l’accouchement, l’utérus fait encore un kilo ».

Que faire ? « Prendre patience ! Le corps a besoin d’un temps de récupération. Pour le ventre, il est intéressant de faire une rééducation abdominale, en complément de celle du périnée (avec une sage-femme ou un kinésithérapeute). S’il y a diastasis (écartement des grands droits), la sage-femme ou le médecin pourra prescrire une ceinture de maintien pour améliorer le confort voire éviter que les choses s’aggravent le temps de la rééducation. »

Constipation, hémorroïdes…

« La constipation post-partum est très fréquente. Les jeunes mères peuvent connaître un transit ralenti (on ne va pas souvent à la selle), une constipation terminale (difficulté d’exonération qui peut engendrer fissures et hémorroïdes) ou les deux. Les raisons sont multiples : après l’accouchement, le relâchement du périnée favorise l’expansion de l’ampoule rectale. Elle a plus de place, on a donc moins vite le signal « envie d’aller aux toilettes ». On bouge aussi moins et on est moins à l’écoute de son corps car on est focalisé sur le bébé. Il peut aussi y avoir une appréhension à aller à la selle à cause des cicatrices et/ou des hémorroïdes dûs à la poussée lors de l’accouchement. »

Que faire ? « Même si le rythme de nos journées est bouleversé par l’arrivée du bébé, il faut conserver ces moments où on allait habituellement aux toilettes (après le petit-déjeuner, le déjeuner…) », conseille Eva Baeyens. On essaie aussi de prendre le temps de bien manger. « Avoir un petit marchepied dans ses toilettes est également très utile pour aller à la selle sans pousser, dans une position semi-accroupie, avec le buste en avant et le dos droit ». Il ne faut pas non plus hésiter à aller voir sa sage-femme, son médecin ou tout simplement son pharmacien qui conseillera un traitement (compléments alimentaires, suppositoires, crèmes en cas d’hémorroïdes…).

Incontinence urinaire et anale : un périnée à rééduquer

Les muscles du périnée – ce « hamac » qui soutient les organes génitaux et de l’anus – ont été fortement étirés pendant l’accouchement, surtout si le bébé était gros ou si les forceps ont été utilisés. Pendant la période du post-partum, il est donc relâché, comme peut l’être aussi le sphincter de l’urètre (situé à la sortie de la vessie) et le sphincter anal. Résultat : fuites urinaires, difficulté à retenir les gaz voire les selles liquides.

Que faire ? Une rééducation studieuse du périnée, manuelle ou par sonde, avec sa sage-femme ou kiné, doublée d’une rééducation posturale, pour apprendre à effectuer les gestes du quotidien en épargnant son périnée.

Béance vulvaire : fermer la parenthèse de l’accouchement

« La béance vulvaire post-accouchement est une distension des muscles superficiels du périnée. Elle peut être liée à l’accouchement (gros bébé, forceps) et aussi à l’allaitement, qui maintient les tissus dans une relative hypotonicité », détaille Eva Baeyens. Concrètement, la vulve reste ouverte, avec une sensation gênante d’air qui passe ou de petites bulles.

Que faire ? La béance vulvaire se remet grâce au temps et, encore et toujours, au travail de rééducation du périnée. « C’est le problème qui demandera le plus de temps de récupération : on peut parfois conserver une béance même avec un périnée redevenu tonique », prévient notre sage-femme, qui ajoute : « Il peut parfois y avoir un versant psychologique avec la béance. C’est comme si on était encore reliée au bébé via un cordon qui passe par le vagin. Travailler aussi de ce côté-là peut jouer sur la béance : il faut « fermer » la parenthèse de l’accouchement ».

Les rapports sexuels après l’accouchement : entre libido en berne et douleur

« Quand on vient d’avoir un bébé, il est tout à fait normal de ne pas avoir envie d’emblée d’avoir un rapport sexuel. Il y a la fatigue, l’image du corps, les cicatrices éventuelles (y compris celle de la césarienne). Pour couronner le tout, les hormones de l’allaitement peuvent diminuer la libido et provoquer une sécheresse vaginale. La dyspareunie (douleurs pendant les rapports sexuels) est également très fréquente après une grossesse. Après tout, le premier rapport après l’accouchement est une première fois : on appréhende, ce qui peut générer douleur ou inconfort. »

Que faire ? Si une douleur ou un inconfort, même modérés, persistent au-delà des cinq premiers rapports, ne pas hésiter à consulter sa sage-femme ou gynécologue. On peut aussi consulter avant si la dyspareunie est importante. « Il y a plein de choses à désamorcer, juste en discutant » explique Eva Baeyens. Votre praticien pourra aussi prescrire un lubrifiant ou proposer des exercices de détente du périnée, des massages de la cicatrice…

 

Crédit photo : Romina Farías