Nul besoin d’inscrire son enfant dans une école spécialisée pour appliquer la pédagogie Montessori : les bénéfices de cette éducation positive et bienveillante peuvent être prodigués à la maison dès le plus jeune âge. Aménagement de l’espace familial, activités adaptées : Emmanuelle Opezzo, fondatrice de Koko Cabane à Paris, nous livre quelques clefs pour développer notre approche montessorienne.
Comprendre l’enfant et changer la vision qu’on a de lui
Montessori n’est pas seulement une pédagogie scolaire : c’est d’abord une vision de l’enfant, un certain regard que l’on porte sur lui. « C’est une compréhension de l’enfant dans son développement. On apprend à suivre son développement biologique avec ses étapes de construction, aussi bien celles qui sont communes à tous les enfants que celles propres à chacun, explique Emmanuelle Opezzo, fondatrice de l’espace Montessori Koko cabane à Paris, qui propose des ateliers pour les 0-10 ans. L’idée est de pouvoir appréhender ces étapes en tant que parent pour mieux les accompagner et de faire confiance à la nature ». Aux mamans qui s’inquiètent de ne pas voir leur enfant marcher à 12 mois, on rappellera ainsi qu’on n’a jamais vu d’adulte se déplacer à quatre pattes : la nature est bien faite, faites confiance à votre enfant dans son développement…
Faire participer les enfants aux tâches quotidiennes dès leur plus jeune âge
Une autre base de la pédagogie Montessori est l’adaptation de l’environnement dans lequel évolue l’enfant : « l’enfant a besoin de pratiquer, de manipuler, pour se construire et prendre possession de son corps. On conseille aux parents de leur proposer des occupations qui correspondent aux besoins de l’enfant en fonction de son évolution, avec des activités dites de vie pratique », rappelle Emmanuelle Opezzo. Passer l’éponge, aider à mettre la table, étendre le linge, sont autant d’activités qui aident l’enfant non seulement à maîtriser ses gestes mais également à s’intégrer à la vie familiale. Chaque activité peut ainsi donner lieu à un moment partagé tout en permettant à l’enfant de développer ses fonctions moteurs : les plus petits aimeront déposer dans le lave-linge les vêtements sales, les plus grands peuvent écosser les haricots verts avant le repas…
Changer d’état d’esprit par rapport à son enfant
« La première étape, c’est se dire qu’on ne sait rien, avoir beaucoup d’humilité par rapport à l’enfant, et réussir ainsi à se mettre dans un autre état d’esprit », conseille Emmanuelle Opezzo. Il faut apprendre à observer. « Ainsi, s’il est agité, s’il pleure, c’est que quelque chose se passe : il a besoin d’être aidé plutôt que d’être disputé ou stigmatisé ». Par ailleurs, les parents ont très souvent tendance à dire « non » avant toute chose. Or ce « non » est souvent injustifié, ou motivé par les mauvaises raisons – comme la peur de passer pour un mauvais parent aux yeux des autres, ou l’agacement face à une requête qu’on ne comprend pas… « Avant de dire non, réfléchissons aux raisons qui motivent ce non. Si ni la sécurité de l’enfant, ni les règles de la maison sont en jeu, trouvons des solutions pour l’enfant plutôt que de lui opposer un « non » qu’il ne comprend pas ». Un exemple très simple : quand son enfant commence à marcher, on préfère souvent le mettre dans sa poussette parce que c’est plus rapide, que l’on est souvent pressé… Alors qu’un enfant qui se met à marcher a logiquement besoin et envie de marcher. Il faut alors trouver des compromis, comme « on marche ensemble jusqu’au bout de la rue et après je te mets dans ta poussette ».
4 clefs pour appliquer Montessori par Emmanuelle Opezzo
Avoir confiance en son enfant, très tôt, dès la naissance. Avoir conscience qu’il va bien si on va bien soi-même, et qu’il va se développer quoiqu’il arrive ! Il est programmé pour grandir et se développer, il suffit donc d’avoir confiance dans la nature de l’enfant qui a une grande capacité d’adaptation et un immense potentiel.
Ne pas être trop dans l’interprétation. Par exemple quand un enfant montre un objet du doigt, cela ne veut pas forcément dire qu’il veut jouer avec : il veut peut-être simplement dire que l’objet est joli, ou signifier à l’adulte qu’il a remarqué sa présence… Notre quotidien est rempli de ce genre d’exemples : l’enfant voit des choses et nous en déduisons qu’il les veut. L’adulte pense toujours à un objectif, alors que l’enfant est dans un processus. Ne pas surinterpréter permet d’éviter d’entraver ses gestes.
Aménager un espace à la maison qui soit convivial pour tous. L’espace ne doit pas être dédié à l’enfant mais il ne doit pas non plus ne répondre qu’aux besoins des parents : tout le monde doit pouvoir y vivre le mieux possible et il faut trouver le bon équilibre pour que chacun s’y retrouve. L’objectif est également de pouvoir limiter les interventions de l’adulte auprès de l’enfant : placez à portée de main une petite carafe d’eau et un gobelet pour que l’enfant puisse se servir seul s’il a soif, mettez les livres à sa hauteur pour qu’il puisse y piocher l’album de son choix… N’oubliez pas non plus que si l’espace est très chargé, ce sont autant d’occasions de dire « non », alors que l’enfant ne souhaite qu’une chose : découvrir son environnement. Un environnement pacifié, bien pensé, permet de limiter les conflits.
Observer son enfant. Je conseille de prendre régulièrement quelques minutes pour tout simplement observer son enfant : pendant qu’il joue, qu’il prend son bain ou qu’il mange, choisissez un moment où il est concentré et mettez-vous en retrait, acceptez de lâcher prise et de le regarder évoluer. Cela permet de voir des choses, de découvrir des nouveaux gestes, de capter les centres d’attention de son enfant, de comprendre ses évolutions… C’est très précieux, c’est le meilleur outil pour apprendre à connaitre son enfant et se reconnecter à lui.
Emmanuelle Opezzo, fondatrice de Koko Cabane, est éducatrice Montessori diplômée de l’AMI (Association Montessori Internationale) et auteure de Vivre la pensée Montessori à la maison (éd Marabout Family).