De l’extérieur et avant d’y être vraiment confrontée, on perçoit souvent la grossesse comme une période un peu spéciale et bénie, on s’imagine une parenthèse « dans le monde des Bisounours », où les hormones nous rendraient particulièrement sensibles à la douceur des choses, émotive et fleur bleue. Émotive, oui. Sensible, tout dépend de ce que l’on entend par là… Ce que j’ai découvert sur moi pendant ma grossesse a été un choc, un peu honteux, jusqu’à ce que j’en parle à quelques amies qui m’ont confirmé que je n’étais pas la seule.
« La grossesse ne nous rend pas meilleure ». Je me souviens de la première fois où je me suis fait cette réflexion, j’avais même inscrit cette phrase dans mes notes d’écriture sur mon téléphone. Je me suis demandé comment cette chose si belle qui se passait en moi pouvait me rendre aussi mauvaise : enceinte de quelques semaines à ce moment-là, j’ai été surprise par la violence d’une de mes réactions, effrayée par ma propre agressivité… À l’époque, en tout début de grossesse, je vivais très mal l’arrêt de la cigarette, du café, du vin…
Je m’octroyais encore des exceptions avec un café-crème et une demi-cigarette de temps en temps quand l’envie était trop forte. J’avais demandé au futur papa de laisser un paquet dans un tiroir pour ces moments de « désespoir » : je ne peux pas décrire l’emportement qui m’a prise lorsque j’ai vu que le paquet n’était pas à sa place ce matin-là, ni retrouver la façon horrible dont je lui ai parlé pour le lui reprocher. Mais il a dû se sentir tellement coupable que j’ai réussi à le faire revenir à la maison (de son boulot) pour m’apporter une cigarette… J’ai dû en conclure à ce moment-là que l’addiction au tabac pouvait rendre dingue et vraiment agressif.
Mais ce n’était pas ça. J’ai stoppé la cigarette avant la fin de mon premier trimestre et je ne ressentais plus aucun manque, mais l’agressivité et la violence que je pouvais sentir pointer au fond de moi étaient encore là. Cela se traduisait de temps en temps par de l’aigreur, parfois plutôt de la mélancolie, et parfois un dégoût des choses et des personnes qui m’entouraient (qui s’ajoutait aux nausées et au mal des transports quotidien) : des sensations très physiques, désagréables et intenses.
Un épisode m’a particulièrement marquée : une énième dispute de couple, comme on en a toutes. Je sais que ce jour-là j’étais vraiment à bout parce qu’il s’agissait d’un sujet important pour moi, et récurrent. J’étais fatiguée de faire sans cesse les mêmes reproches à mon homme. Mais la disproportion de ma réaction a été surprenante pour lui comme pour moi : je suis sortie de moi-même. Hurlements à en perdre la voix, le besoin de jeter des objets pour les casser… J’aurais pu éliminer un lot de vaisselle entier si je l’avais eu sous la main, je me suis contentée de jeter violemment sur le sol de la cuisine deux saladiers que j’aimais beaucoup en visant un peu à côté de ses pieds. Je voulais faire du bruit, sortir quelque chose. J’ai fini par rester seule dans la cuisine, choquée et hébétée par ce que je venais de faire. Et en même temps je ne regrettais rien. J’aurais pu recommencer. Mais jamais de ma vie je ne pensais faire ce genre de scène de ménage avec bris de vaisselle, comme au cinéma… Parce que ça n’a rien à voir avec moi. J’ai du caractère, je suis râleuse mais je suis surtout quelqu’un de raisonné et parfois trop raisonnable, réfléchie, plutôt sage et silencieuse. Je hais le conflit frontal, je l’évite en permanence. Je ne crie pas et je ne me fais pas remarquer.
La grossesse donc. Les hormones. Je n’ai pas d’autre explication à ce déferlement de violence et d’agressivité.
Enceinte, je suis beaucoup moins tolérante avec les gens sur le trottoir ou dans le métro.
Enceinte, je suis moins patiente avec mes clients et interlocuteurs professionnels.
Enceinte, j’ai envie de régler son compte ou de dire ses 4 vérités à tout le monde.
Enceinte, je ne me laisse pas faire.
Enceinte, j’ose dire non quand je n’ai pas envie et je n’ai pas peur de ne pas être polie…
En abordant la question avec une amie très proche, j’ai été rassurée. Je livre son propre témoignage ici :
« C’est dur de prendre sur soi quand on est enceinte alors que ce sont les montagnes russes des émotions et des hormones. Je ne compte plus le nombre de fois où je hurlais, jetais des trucs par terre, me tapais contre les murs et balançais tout ce qui me passait sous la main sur mon mec… Le monstre hystérique… On est loin de l’image d’Épinal de la douce femme enceinte innocente, on se transforme en une créature bizarre et sur les nerfs… Moi je pleurais tout le temps, mon mec m’insupportait. Un jour, en janvier, il pleuvait des cordes et on s’est engueulés dans la rue alors qu’on allait déjeuner chez une amie, ma fille de 3 ans était là : j’ai hurlé sur lui au milieu de la rue, je ne pouvais plus m’arrêter, j’ai pris le parapluie et je lui ai balancé dans la figure (devant ma fille, j’ai tellement honte) et je suis partie hors de moi sous la pluie le traitant de tous les noms dans la rue « CONNARD, ENCULÉ, CONNAAAAAAAAAAARD » La perte de contrôle. Il m’a fallu 1h pour redescendre. »
Pour moi, l’apaisement de cette « colère » est passé par 5 ou 6 séances de sophrologie et par quelques changements dans mon hygiène de vie, surtout mon hygiène de vie mentale… C’est là que j’ai découvert à quel point le yoga m’aidait à évacuer tout ça, à me sentir bien dans ma tête pour attaquer une journée et rester zen jusqu’à la fin de ma grossesse.
Pour la deuxième grossesse que je vis actuellement, cette violence et ces ondes négatives ont refait surface très vite. Heureusement, je suis bien plus consciente de la chose et parée pour y faire face : je m’impose au moins 1h de yoga et 1h de sport plus cardio par semaine, c’est la condition de mon équilibre mental et aussi un gage de plus de sérénité pour mon couple. Tout ça m’a aussi donné l’envie d’en savoir plus sur l’influence des hormones sur notre moral et nos émotions en général et sur les moyens d’y faire face. Une petite recherche dont je compte bien vous livrer les fruits d’ici peu…