Célibataires depuis la grossesse, divorcées, en garde alternée ou partagée… En France, deux millions de mères vivent leur maternité en solo. Comment gérer au mieux ces situations toutes différentes mais aux quotidiens à 1000 à l’heure souvent semblables ? Mère célibataire depuis 7 ans, la franco-écossaise Shane Love, créatrice du podcast « Le Tourbillon » et également à l’initiative du compte Instagram « Hello Solos », rassemble dans son ouvrage Maman Solo témoignages de mères et avis d’expertes pour bien vivre sa monoparentalité. Voici nos 5 conseils préférés, tout aussi utiles pour les mamans en couple.
1. Se choisir quelques « personnes ressources » dès la grossesse
Avant même la maternité, la grossesse déjà est une période de doutes, de joies, d’émotions fortes que l’on a envie et besoin de partager. Et être soutenue, même sans partenaire, est fondamental pour le moral de la future mère. Alors pourquoi ne pas demander à une ou deux personnes, voire plus, d’être nos personnes ressources ? Notre mère, notre frère, notre cousine, notre meilleur ami, la future marraine, notre belle-sœur ? Des personnes que l’on n’aura pas peur de déranger, sur lesquelles on pourra « s’appuyer en toute confiance sans avoir peur de trop les solliciter », comme le conseille la doula Leslie Lucien, dans Maman solo. Et qui pourront par exemple nous accompagner lors des rendez-vous médicaux, ou à la préparation à l’accouchement. Une présence essentielle, car, en tant que future maman, on peut être trop submergée par l’émotion ou la fatigue pour noter toutes les informations à retenir.
2. Organiser son propre programme post-partum
Difficile d’imaginer ce qui nous attend dans les semaines après l’accouchement… et pourtant. Pour les questions de post-partum aussi, une mère préparée en vaut deux. Charline, la sage-femme derrière le compte Instagram @charline.sagefemme préconise de prendre les devants sur toutes les problématiques qui pourraient advenir. « Vous ne perdez rien à programmer d’avance des rendez-vous avec votre médecin généraliste, avec votre sage-femme, avec une psychologue… » Et pourquoi pas aussi avec une conseillère en lactation si l’on souhaite allaiter ? Ou encore réserver (ou mieux, se faire offrir) deux heures de ménage par un professionnel, la livraison de quelques repas chauds, un soin rebozo, ou même un bain thérapeutique pour apaiser votre tout-petit…
Autant de rendez-vous que vous n’aurez plus besoin d’organiser après la naissance, de charge mentale économisée, et de soutiens sur lesquels vous saurez que vous pouvez compter. Repérez aussi les lieux à côté de chez vous dédiés à la maternité, les groupes parentaux de quartier sur Facebook, les associations et cercles de parole, ou encore les clubs poussette, qui proposent une rencontre une fois par mois dans un lieu public. Objectif : avoir sa liste prête, et n’avoir plus qu’à y piocher en cas de besoin.
3. Trouver d’autres nourritures affectives pour éviter la fusion mère-enfant
À la naissance et les premiers temps, c’est souvent la fusion : la mère est tout pour l’enfant, et vice-versa. Mais ensuite, analyse la thérapeute Isabelle Le Peuc’h, l’autre parent joue un rôle de « tiers séparateur », indispensable pour le bien-être psychologique de la mère et de l’enfant. Dans le cas d’absence de coparent, explique-t-elle, s’il existe un manque affectif pour la maman solo, « le risque est que cette modalité fusionnelle perdure ». Isabelle Le Peuc’h conseille alors de trouver des substituts : « La quête fusionnelle pour rompre la solitude, et le surinvestissement pour compenser l’isolement sont deux écueils à éviter. La maman doit absolument trouver une nourriture affective autre que l’enfant, à la fois pour son équilibre à elle et pour son développement à lui. L’enfant n’est ni son partenaire, ni son confident, ni son ami. Elle doit s’octroyer des temps dédiés à des relations qui ne concernent pas l’enfant. » Une démarche nécessaire aussi pour bien vivre les absences de l’enfant en cas de garde alternée ou partagée par exemple.
4.Apprendre à gérer ses émotions et à demander de l’aide
Ce sont deux compétences douces encore plus indispensables lorsque l’on est maman solo. En cas de coup de blues, faut-il cacher sa déprime ou peut-on au contraire la laisser apparaître devant son enfant ? Les deux, répond Isabelle Le Peuc’h. « Il y a des moments et des lieux où il est préférable de garder la face. Mais il est tout aussi essentiel de baisser la garde, de tomber le masque et de lâcher le contrôle. Plus on l’accepte et plus on est capable de choisir les conditions où ce sera bénéfique et non préjudiciable. » Les mamans solo, comme les autres, ont le droit d’avoir des baisses de régime. « Ces états sont sains et ont besoin de s’exprimer ! », renchérit la thérapeute. Isabelle Le Peuc’h conseille l’équilibre : ne pas faire croire à son enfant que sa mère est parfaite et héroïque, mais ne pas non plus lui laisser porter la charge. « Avoir une mère suffisamment bonne et humaine, avec ses failles, lui offre un modèle plus accessible et réaliste. En revanche, il n’a pas à valider sa mère, ni à être son principal soutien. » Quant à demander de l’aide, c’est parfois lorsqu’on en a le plus besoin que celle-ci est la plus difficile à solliciter. Culpabilité, honte d’admettre notre vulnérabilité, peur de se heurter à des refus difficiles à gérer… Isabelle Le Peuc’h propose d’apprendre à comprendre qu’un « non » potentiel ne reflète que l’incapacité d’une personne à nous rendre le service demandé, et n’est pas un rejet personnel.
Apprendre à bien formuler la question est également capital : on peut demander de l’aide sans demander à l’autre personne de se sacrifier (« Je sais que tu n’as pas le temps, mais pourrais-tu… »), ni faire de reproches (« J’aimerais que tu me proposes plus souvent de… »). Isabelle Le Peuc’h conseille à la place une formulation claire et assumée : « Je suis en difficulté pour…, peux-tu le faire à ma place ? Cela me rendrait service. » Une demande qui laisse de l’espace à l’autre pour répondre avec sincérité.
5. Bien connaître ses droits
Saviez-vous par exemple que vous avez droit à une aide complémentaire pour le mode de garde ? Et une autre en cas de formation prise en charge par Pôle Emploi ? Elise Fabing, avocate en droit du travail, préconise aussi d’étudier attentivement sa convention collective (mentionnée sur les bulletins de paie), pour savoir combien de jours « enfant malade » vous pouvez demander, sachant qu’il s’agit de trois jours a minima. Peut-être que votre entreprise propose également un congé allaitement ? En cas de difficultés au retour du congé maternité ou de discriminations, un conseil qui peut sauver votre dossier : faites toujours suivre une conversation sensible d’un mail qui récapitule celle-ci. Sauvegardez aussi tous vos mails : en cas de mise à pied, l’accès à votre boîte professionnelle peut être coupé. Sachez enfin que vous avez le droit de venir accompagnée, par un responsable syndical par exemple, à tous les entretiens formels.
Si vous faites face à une séparation, Marielle Trinquet, avocate au barreau de Paris et spécialiste en droit de la famille, recommande non seulement de bien sûr choisir un avocat spécialiste du droit de la famille, mais aussi de « bien le sentir », c’est à dire le sentir « concerné, impliqué, et disponible ! » Pensez aussi à saisir le juge aux affaires familiales afin d’avoir un cadre judiciaire en cas de conflit, et si vos moyens sont limités, n’hésitez pas à demander l’aide juridictionnelle.
Enfin, n’oubliez pas qu’avant tout, votre enfant a besoin que vous soyez heureuse, et que vous preniez soin de vous-même. Vous voir créer votre bonheur sera pour elle ou lui la meilleure des sources d’inspiration.
Maman solo – Entre solitude et liberté, bien vivre sa monoparentalité. Avec des témoignages et des avis professionnels
Shane Love
Éd. Larousse
Crédit photo : Nathan Dumlao / Unsplash