Devenir maman. Rencontrer son enfant et s’attacher à lui. L’accueillir et créer pour lui un cocon rassurant. Se faire confiance et s’organiser au retour de la maternité… Tant de grandes étapes et de questionnements jalonnent la période de l’après grossesse, laissant souvent la toute jeune maman seule face à ses doutes, peu ou pas du tout accompagnée. Avec la complicité de Stokke, on a abordé ce 4e trimestre de la maternité lors d’un Small Talk inédit avec des expertes de la périnatalité. En voici quelques extraits avec les conseils de Maelys Le Levreur, éducatrice de jeunes enfants, éducatrice Montessori, et directrice de crèche.
On parle de « matrescence » (adolescence de la maternité) pour désigner la période où l’on devient maman, juste après la naissance de son enfant. Que vous évoque ce terme en tant que spécialiste de la petite enfance ?
Lorsque nous devenons adultes, nous passons par une période qu’est l’adolescence, notre corps change, nos hormones font des leurs, les doutes nous assaillent sur nos choix de vie futurs. De la même façon, lorsque nous devenons mère, nous traversons une période pendant laquelle les changements de notre corps sont nombreux, les choix que l’on fait sont importants et cette période a maintenant un joli nom : la matrescence.
Que peuvent apporter les neurosciences aux toutes jeunes mamans dans cette période ?
Les neurosciences peuvent permettre aux jeunes mamans de mieux comprendre leur bébé. Elles viennent prouver que le cerveau de l’enfant est immature, fragile et très malléable. Les jeunes mamans savent donc maintenant que ce que le nouveau-né vit, s’imprime directement dans son cerveau. Les bonnes comme les mauvaises choses. Elles savent donc l’importance de la bienveillance, de l’empathie et du « prendre soin ».
Que nous apprennent ces nouvelles connaissances sur le fonctionnement des nouveau-nés ?
À la naissance, les connexions du cerveau du bébé ne sont pas encore bien établies car ses neurones ne sont pas encore reliés entre eux. C’est grâce aux expériences qu’il va vivre que les connexions entre deux neurones, appelées synapses, vont se faire. Chaque nouvelle image, chaque nouveau son va créer chez lui de nouvelles connexions. Il lui suffit donc de vivre et d’être en relation avec autrui pour que son cerveau se développe. Les soins apportés, la parole et l’attention que l’on porte aux nouveau-nés sont donc primordiaux.
On a aussi appris, grâce aux neurosciences, que lorsque que l’on cajole ou réconforte un enfant, son cerveau produit une hormone appelé l’ocytocine, qui l’apaise, alors non, on ne le laisse pas pleurer mais en revanche, on peut abuser des câlins !
Durant cette période de transition où l’on apprend à devenir maman, comment se faire confiance et oublier nos peurs et nos angoisses face à un nourrisson dont on ne comprend pas toujours les comportements et réactions ?
Avant de le mettre au monde, on lui a fait une place dans notre corps, dans notre chair, et c’est à nous maintenant, de lui faire sa place dans ce monde. Le bébé est comme un correspondant étranger qui arrive sur une terre inconnue, on aimerait qu’une appli nous traduise ses pleurs mais elle n’existe pas. Faites-vous confiance, regardez-le, apprenez à différencier ses mimiques et surtout, surtout, éloignez-vous des réseaux sociaux qui peuvent être très anxiogènes pour de jeunes parents. Des générations de parents ont élevé des enfants sans Instagram…
Le retour à la maison après la maternité est parfois une étape douloureuse où l’on se retrouve seule avec son bébé et beaucoup de choses à gérer en plus de la fatigue et de toutes les petites choses à organiser pour son bébé. Comment bien préparer ce retour à la maison et comment faire pour installer un quotidien serein ?
Au retour de la maternité, il faut, au maximum, se caler sur le rythme du bébé, se reposer quand il dort et prendre le temps de comprendre son rythme afin de se caler un peu au sien. Il est aussi primordial de laisser le papa avoir sa place dans cette bulle. Partagez au maximum toutes les tâches avec lui. Il faut aussi, et surtout, lâcher prise sur certains sujets : ce n’est pas grave si l’aspirateur n’a pas été passé, si on se fait des petits plats surgelés pendant quelques semaines ou si on n’est pas d’attaque pour recevoir toutes les copines. Écoutez-vous, regardez-le évoluer et pour les visiteurs, proposez leur d’amener un cadeau pour le bébé et un bon dîner pour vous ! Pour vous faciliter la tâche, essayez d’anticiper certaines choses avant la naissance.
Parfois, le lien avec son bébé se crée dès les premières minutes, parfois c’est un peu plus long. Est-ce normal ou faut-il s’en inquiéter ?
Hier, il était une échographie en 3 D, aujourd’hui, il est là, dans vos bras. Vous l’aviez imaginé sans cheveux, il en a plein, vous aviez rêvé qu’il ait le nez de son père, il a le vôtre. Bref, déjà, le bébé que l’on avait imaginé n’est pas le bébé « réel », laissez-vous le temps de faire connaissance. Ce n’est pas parce qu’il était à l’intérieur de vous qu’il n’est pas mystérieux pour vous.
Chez certaines femmes « l’instinct maternel » va venir immédiatement et chez d’autres il va mettre quelques jours ou quelques semaines. Si c’est le cas pour vous, parlez-en à quelqu’un qui pourra vous comprendre mais surtout, ne vous inquiétez pas, c’est tout à fait normal, les émotions nous submergent à cette période de notre vie.
Comment favoriser la connexion avec son nouveau-né ?
Tous les bébés naissent avec un besoin d’attachement. Ils vont se « connecter » avec les personnes qui sont bonnes pour eux, c’est-à-dire, dans un premier temps, leurs parents. Par vos mots, vos regards, vos gestes enveloppants, vous allez petit à petit le connecter au monde extérieur. Les nouveau-nés sont avides de connexions et vont tout faire pour attirer votre attention : petites œillades, mimiques, ils ont une immense capacité relationnelle. S’ils se sentent bien, que la connexion est « établie », le bébé va se lover contre vous, s’abandonner dans vos bras, au contraire, s’il se sent incompris, il va se raidir, se tortiller et rouspéter. Plongez vos yeux dans les siens et il vous guidera. Décrivez les gestes que vous faites en lui parlant directement : « Tu me souris, ça me fait plaisir » au lieu de « chéri, il m’a souri ».
Petite précision mais qui pour moi a son importance, plongez vos yeux dans les siens et non la lentille de l’objectif de votre téléphone portable. C’est beaucoup moins sympa de sourire à un écran qu’à sa maman.
Doit-on se soucier d’éveiller son bébé et de communiquer avec lui dès les premières semaines de sa vie ?
Dès son plus jeune âge, le bébé a sa façon de communiquer avec vous. Il communique même sur tout : la faim, le besoin de dormir, la couche trop pleine, le bonheur de vous retrouver et quand il s’exprime, il n’a qu’une envie, trouver un interlocuteur en face de lui. Alors parlez-lui, chantez, massez-le, portez-le car la communication passe aussi par là. Tout est communication chez lui, son froncement de nez, sa torsion des jambes, sa bouche retroussée, à vous de décrypter sa langue et d’y répondre, de mettre des mots sur ce qu’il fait et vit pour qu’il puisse, ensuite, adopter le même langage que vous.
Maria Montessori proposait de préparer la chambre de l’enfant en se mettant à sa place. Que voit-il quand il est allongé sur la table de change ? Les couleurs ne sont-elles pas trop intenses ? Les stimuli ne sont-ils pas trop nombreux ?Prévoyez des couleurs pastel au mur, ne les surchargez pas, il faut avant tout que son environnement soit apaisant. Vous pouvez, par exemple, mettre les mobiles de Munari pour stimuler son regard et prévoir un tapis d’éveil avec différentes matières où il sera libre de se mouvoir plutôt qu’un transat où ses mouvements seront réduits.
En pratique, quels sont les rituels à mettre en place pour créer ce lien entre une maman et son bébé ?
On ne va pas se mentir, dans le ventre, le bébé est plutôt tranquille, il a tout à portée de main et déjeune à l’heure qu’il veut. Que de découvertes alors pour lui dehors et que d’imprévus aussi. C’est pourquoi les rituels sont importants pour le rassurer. Les premières semaines, adoptez son rythme, reposez-vous quand il dort et mettez des petites choses en place. Le matin vous pouvez, par exemple, lui faire tous les soins prodigués par les auxiliaires à la maternité, puis ensuite, lui donner le biberon dans le même fauteuil, lui chanter une berceuse avant de le poser dans son lit, lui donner le bain toujours au même moment et le masser après. À vous de trouver vos rituels car chaque parent est différent. Certains vont chanter à l’heure du coucher, d’autre vont être plus à l’aise avec des histoires….
Et entre le papa et son enfant ?
Le papa est celui qui va venir prendre une place dans la bulle mère-enfant pour signifier au bébé qu’il est un être séparé de sa maman. Il est celui qui va lui offrir un monde plus vaste que cette bulle. Bain, repas, moment du coucher, soins, promenades, histoires, câlins, tous les moments sont possibles pour créer du lien. Et, bien sûr, pour les deux parents, parlez-lui le plus possible, c’est primordial. Et n’oubliez pas une chose, le jeu est l’activité principale de l’enfant, n’hésitez pas à la partager avec lui !
*Maelys Le Levreur accompagne les jeunes et futurs parents personnellement et au sein des entreprises. Plus d’infos sur son blog et son compte Instagram @mylittlecoaching.
Réalisation : Les Louves X Stokke
Crédit photo : Belly Balloon Photography/ Les Louves