Lorsqu’on est enfant, on est sujet à des peurs incontrôlables : le monstre sous le lit, les araignées, le noir, un couloir, les sorcières ou le Grand Méchant Loup. Autant de personnages que de façons de se représenter la menace, la méchanceté, le mal. On exorcise avec des livres, de belles histoires qu’on écoute, on se force à oublier le monstre qui attend sous le lit qu’on pose un pied pour nous attraper par la cheville… On fait tout pour être un grand, pour ne pas avoir peur, mais on n’y arrive jamais tout à fait.
Un jour, on est plus grand. Et l’on se retrouve heureux et fier parce que le noir, les sorcières et les monstres ne sont plus qu’un lointain souvenir.
Et puis on est adulte, et puis on est parent.
Et la peur revient : celle de ne pas être à la hauteur, de les perdre ou de ne plus être là pour eux, tout en leur apprenant à ne pas avoir peur du noir… Et il faut leur expliquer que les monstres n’existent pas, qu’ils n’attaquent pas n’importe qui et au hasard, qu’ils sont juste le fruit de leur imagination.
Vendredi nous nous sommes souvenus que les monstres pouvaient exister, pas forcément ceux tapis dans l’ombre d’un placard, et la peur a compté double : il y a celle que l’on a éprouvée de façon automatique, et puis celle qui est arrivée juste après, comme un puissant ressac, et que l’on a ressentie pour nos enfants. Comment trouver pour eux les mots quand on a perdu sa voix ? Comment leur expliquer l’impensable ? Comment les rassurer quand on ressent soi-même la terreur face à l’horreur ?
Vendredi nous nous sommes souvenus que nos livres de contes et nos belles histoires ne suffiraient sûrement pas à oublier notre peur à chaque fois qu’il prend le chemin de l’école seul, traverse la rue, prend le métro ou des billets pour un concert…
Crédit Image : Jean Jullien