Dans les années 50, les femmes accouchaient entre femmes, tandis que le futur papa consommait son stress en cafés et cigarettes sur le parking de la maternité. Après avoir entendu quelques récits d’accouchement avec force détails pittoresques, nous nous sommes demandé si un petit retour vers le passé ne serait pas salutaire. Nous avons demandé aux intéressé(e)s, et la réponse fut unanime. Hors de question de ne pas être à deux pour vivre ce moment où l’on devient trois, ils nous racontent pourquoi.
Charles, 36 ans : « je n’étais pas utile, mais ma présence était indispensable »
Avant son accouchement, je me sentais prêt car j’avais suivi l’évolution de la grossesse jusqu’aux dernières contractions. Elle voulait absolument que je sois présent pour la soutenir. Étant toujours intéressé par les nouvelles expériences, ça ne me faisait pas peur.
Le jour J : C’était long, c’était intense, parmi les meilleurs moment de ma vie. Je n’étais pas utile mais ma présence était indispensable… J’étais follement amoureux de ma femme et pas vraiment gêné par ce que je voyais, mais je dois avouer que les parties « épisio » et « ventouse » n’ont pas été mes préférées.
Elodie, 30 ans : l’haptonomie pour l’impliquer dans l’accouchement
Avant mon accouchement, on n’aurait pas imaginé être séparés pour l’arrivée de notre fille. Mon mari était présent à chaque rendez-vous avec l’obstétricien, et à partir du sixième mois, nous avons vu ensemble un haptonome. Ça a été une belle expérience : Frédéric a pu poser les questions qui l’inquiétaient, mieux visualiser l’accouchement, le parcours pour le bébé, etc. L’haptonome lui a appris des gestes pour communiquer avec le bébé pendant la grossesse, mais aussi des gestes à avoir le jour J pour m’accompagner et me montrer qu’il était là, avec moi… J’ai trouvé que c’était une belle façon d’impliquer le papa dans la grossesse et dans l’accouchement. Il se sentait moins désemparé, plus concerné.
Le jour J, sa présence a été primordiale. Même si pendant l’accouchement en tant que tel, c’est un peu comme si j’avais oublié qu’il était là, trop concentrée sur ce qui se passait… Quand ma fille est sortie de mon ventre, je me souviens avoir cherché son regard en permanence, pour me rassurer mais aussi pour m’assurer que ce que je vivais était bien réel !
Avec le recul. Je pense que de son côté il a été très ému, impressionné par l’événement. Il était fier aussi, de moi ! Il m’a dit qu’il avait apprécié être guidé par l’équipe, qui lui a dit où s’asseoir par exemple. Il ne se sentait pas de trop, ni trop d’ans l’action un peu trash ! On a beaucoup parlé de nos ressentis respectifs après le jour J.
Mélanie, 32 ans : plus de peur que de mal
Avant mon accouchement je me sentais complètement préparée et je n’avais aucune angoisse, j’avais même plutôt hâte… Pour le papa c’était différent. Tout au long de la grossesse il n’a pas vraiment réalisé qu’il allait devenir père, mais à peu près trois semaines avant le terme, il a commencé à se poser des questions sur son rôle le jour J. Finalement, on s’est dit que le mieux pour lui comme pour moi était qu’il reste à côté de moi, et qu’il me rassure si j’en avais besoin. Il devait rester à côté de moi au niveau de ma tête (pour ne pas en voir trop) et attendre que la puce arrive. Néanmoins, il était important pour moi qu’il coupe le cordon ombilical.
Le jour J : J’ai eu un accouchement de rêve et sans douleurs, j’étais dans ma bulle, mais je savais qu’il était à côté de moi et ça me rassurait. Pour lui qui est plutôt phobique des hôpitaux et du sang, l’épreuve a été beaucoup moins difficile qu’il ne craignait, et il n’a rien vu qui le mette mal à l’aise.
Jonathan, 35 ans : « quand on m’a fait sortir de la salle, je l’ai vécu comme un carton rouge »
Avant l’accouchement, voilà le rôle que je m’étais assigné : « tu te mettras à disposition de ta femme et du personnel avec empathie et te soucieras peu de ce que tu veux sur le moment ». Il était évident que je devais entrer dans la salle d’accouchement. Mon père m’a toujours raconté avec fierté avoir coupé mon cordon ombilical comme si finalement c’était grâce à lui que tout s’était bien passé. Je voulais être présent, couper le cordon, entendre ses premiers cris, le prendre dans mes bras, voir l’émotion de Sarah, bref je ne voulais rien rater de nos premiers moments à trois.
Le jour J : Je me souviens avoir lu l’Équipe (il y avait un match des Bleus ce soir-là), et passé quelques coups de fil pendant qu’elle faisait de la gym sur un gros ballon gonflable pour faire passer la douleur. Pour nous deux, c’était l’inconnu. Je n’avais qu’une seule certitude, elle allait avoir mal… J’ai donc réagi aux événements. J’ai essayé de la faire rire, de la rassurer en regardant le moniteur branché sur elle. Ce fut long, très long! Puis subitement tout s’est accéléré après des heures d’attente. Ils l’ont emmenée pour poser la péridurale, j’en ai profité pour descendre fumer une cigarette, la meilleure de toute ma vie… Dans la salle d’accouchement, le col était toujours étroit, le rythme cardiaque baissait, ils ont décidé de procéder à une césarienne. La pièce était remplie de personnels et d’étudiants. Je me suis demandé si tout ce monde savait ce qu’il avait à faire et qui dans ce brouhaha était le chef d’équipe. J’ai osé poser la question et on m’a immédiatement demandé de sortir et d’attendre dehors. Je l’ai vécu comme un carton rouge. En fait j’étais livide et tremblotant, ils l’ont fait pour éviter que je tombe raide par terre.
Avec le recul, je me souviens d’un mélange intense d’émotions : peur, joie, tristesse, fierté, amour… C’était génial, le plus beau jour de ma vie ! Il faut, je pense, être dépourvu de toute pudeur pour ne pas être gêné face au nombre de personnes qui ont les yeux rivés sur l’intimité de sa femme… Oui c’est gênant ! Évidemment, j’ai tout fait également pour ne pas avoir à y poser les yeux. J’ai par orgueil été jaloux au plus haut point de l’obstétricien beau gosse et sa blouse blanche qui délivre ma femme de cette souffrance. Heureusement il portait des Crocs rose fluo… Jamais Sarah ne pourrait être attirée par un type qui porte des sandales en plastique rose.
La suite… Pour notre deuxième enfant la césarienne était programmée et je suis cette fois resté dans la salle. C’était horrible, j’avais vraiment peur et étais impressionné par l’opération chirurgicale. Si jamais un jour nous avons la chance d’avoir un troisième enfant et qu’il doit venir par césarienne, j’attendrai volontiers dehors, sauf si Sarah me demande le contraire. Si c’est par voie basse, alors aucune hésitation, je reste…
Hélène, 55 ans : « Il était aussi épuisé que moi »
Avant mon accouchement, je me sentais bien préparée même si aujourd’hui je vois la différence avec toute la préparation qui est mise en place. À l’époque j’ai dû avoir un seul cours d’accouchement (si on pouvait appeler ça un cours : mon gynécologue m’a expliqué la respiration du petit chien et c’est tout….). Aucune discussion n’a eu lieu avant avec le futur papa : il devait être là, ça coulait de source pour nous deux.
Le jour J : Tout s’est bien passé. Même si ce fut un accouchement très douloureux (pas de péridurale). Quoique le plus dur pour moi était certainement de supporter les cris d’une femme qui accouchait avant moi et qui hurlait. Je me demandais ce qui m’attendait… La présence de mon mari était très importante, c’est la seule personne que l’on connaisse bien qui est présente, cela rassure. Il appréhendait autant que moi, sinon plus. Il était aussi épuisé que moi ! Tout le monde s’occupe de la future maman mais le futur papa est livré à lui-même et mis de côté. Il vit ce moment très seul.
Véronique, 60 ans : « on ne lui a pas demandé son avis »
Avant mon accouchement, j’étais bien préparée, nous avions trois ou quatre séances pour apprendre à respirer et nous expliquer comment se plaçait le bébé ; il n’y avait pas de péridurale donc il était important de contrôler la respiration et la douleur. Avec mon mari, nous n’avons pas discuté de sa présence dans la salle, à l’époque il était logique que le père y assiste et il aurait été mal vu de ne pas le faire, est-ce qu’il en avait envie, c’est une autre question… Je pense que si on avait laissé le choix à mon mari, il m’aurait attendue dans la chambre. Je me souviens que certains pères filmaient l’arrivée du bébé en détail, ce n’était pas du tout son genre !
Le jour J : Bien qu’il ne soit pas subjugué par la scène, voire plutôt mal à l’aise, il a assisté à mes quatre accouchements. Il était responsable du brumisateur d’Evian, il essayait de respirer avec moi et regardait le monitoring en veillant bien à ne rien voir d’autre…
Avec le recul, je suis heureuse qu’il ait fait l’effort d’être là, il faut être deux pour faire un enfant et ce sont des souvenirs merveilleux pour le couple. On n’y repense pas sans sourire intérieurement.
Sarah, 31 ans : « il m’a fait rire alors que je souffrais »
Avant mon accouchement, je ne me souviens pas d’une discussion précise avec « le papa » sur son rôle le jour J, mais il n’avait assisté qu’à un cours de préparation (moi aussi d’ailleurs), donc je ne m’attendais pas à grand chose. Je pense que de son côté il ne s’imaginait pas rater ce moment, autant pour être avec moi que pour ne pas perdre un instant avec le bébé… En tout cas nous étions plutôt alignés sur le sujet : pas de zèle, pas de reportage photo… Bref, un peu de décence, enfin, autant que faire se peut.
Le jour J : Les choses ne se sont pas du tout passées comme prévu! J’ai subi une césarienne en urgence donc il n’a pas pu assister à la scène… Du coup, il était hyper ému et il était complètement perdu quand on lui a demandé de sortir. Malgré cela il a eu un rôle très important puisque c’est lui qui a fait le premier peau à peau, les premiers soins du bébé, et c’est lui qui me l’a apporté en salle de réveil. C’était finalement hyper émouvant que les rôles soient inversés, et qu’il me délivre mon enfant ! Et puis, surtout, il m’a fait rire – je souffrais à mon réveil- la première chose qu’il m’a dite, les larmes aux yeux: « C’est bon, j’ai vérifié: il n’a pas tes pieds ! ». Fou rire.
Avec le recul, je peux dire que j’aurais préféré qu’il soit présent dans la salle, pour éviter ce grand moment de solitude quand on m’a présenté mon bébé et qu’on m’a demandé : « comment s’appelle ce petit garçon…? »
M. D.
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