Respirer, connaître et écouter son corps, s’assouplir et se muscler en profondeur pour un mieux-être physique et mental : pourquoi les bienfaits du yoga seraient-ils réservés aux adultes ? Que l’on soit initié ou grand débutant en yoga, pas besoin de pousser les meubles ou de jouer les professeurs pour pratiquer en famille. Journaliste et professeure de yoga pour les enfants, Emilie Cuisinier décrit dans son livre « Petites séances de Yoga en famille » (Hatier), comment créer des moments de yoga avec ses enfants au quotidien. Elle nous donne ici toutes les clefs pour une pratique ludique, bienfaisante et tous publics.
Depuis quand pratiques-tu le yoga, qu’est-ce que cela a apporté dans ta vie ?
J’ai découvert le yoga il y a une quinzaine d’années. Au-delà des effets très rapidement perceptibles sur ma posture globale (et le fait que ça a certainement sauvé mon genou très abimé par une chute de vélo), j’ai très vite ressenti des bienfaits sur la gestion de mes émotions au quotidien – à condition de pratiquer régulièrement… Je suis une hyper-sensible et je sais qu’en cas d’urgence, je peux me replier sur mon tapis ou faire un exercice de respiration. Je me sens toujours mieux après une séance, même courte.
Quel a été le déclic pour te former et enseigner le yoga aux enfants ?
À la naissance de mon fils, je me suis d’abord intéressée puis formée à la pédagogie Montessori, convaincue que permettre à un enfant d’être pleinement acteur de son développement était fondamental pour son épanouissement. La lecture d’ouvrages sur les découvertes neuroscientifiques sur le développement du cerveau des enfants a été un déclic : nous, parents et éducateurs, devons aider nos enfants à mieux accueillir et mieux comprendre leurs émotions. Je me suis donc penchée sur le yoga adapté aux enfants. Et l’idée de partager des jeux autour du corps et du souffle, d’inventer des histoires et aussi d’échanger avec eux m’a beaucoup plu. Les enfants sont extrêmement réceptifs à notre volonté de leur faire du bien, c’est une expérience très positive.
Comment cela influence ta vie de maman, ta façon de vivre avec tes enfants et de les élever ?
Plus ma pratique personnelle est régulière, plus je me sens capable d’affronter le quotidien parfois intense avec de jeunes enfants. On ne pratique pas le yoga en famille quotidiennement, loin de là. Mais j’encourage mon fils à utiliser des petits exercices de respiration ou de relaxation pour revenir au calme, trouver le sommeil ou au contraire un peu d’énergie lorsqu’il en manque. Le yoga, c’est à mon sens une boîte à outils dans laquelle on peut piocher tout au long de la journée et de la vie selon nos besoins.
Tu proposes dans ton livre de pratiquer le yoga en famille, est-ce que cela est vraiment compatible avec cette pratique que l’on imagine plutôt solitaire, silencieuse voire méditative ?
Le yoga avec les enfants doit être, par définition, ludique. Il faut ruser pour aider les enfants, surtout les très jeunes, à rester calmes et à l’écoute de leur souffle et de leurs sensations.
Mais si une séance de yoga avec les enfants sera forcément plus courte et moins introspective qu’une séance seule ou entre adultes, la pratique des postures ou des exercices de respiration procure des sensations très positives… Sans oublier bien sûr, que partager une activité amusante et ressourçante avec son enfant contribue à resserrer les liens, à créer une connexion qui retentit sur la vie de famille – ou du moins sur les heures qui suivent la pratique… J’ai aussi vu beaucoup d’enfants qui, en dehors de nos séances collectives, déroulaient leur tapis chez eux et pratiquaient leurs postures préférées ou des petits exercices de méditation très régulièrement. Dès l’âge de 7 ans, parfois même plus tôt, certains trouvent dans la pratique du yoga une manière de se retirer en eux-mêmes. Si la pratique s’ancre durablement en eux, ils sont, j’en suis sûre, mieux armés pour la vie.
Quelle est la clef pour intéresser les enfants au yoga ?
Il faut présenter les choses comme un jeu, rendre par exemple la posture du guerrier ludique en invitant les enfants à se prendre pour un archer, ou celle du cobra amusante en leur proposant de siffler comme un serpent à sonnette. Pour leur donner envie de s’impliquer, je suggère aussi de les encourager à imaginer des variantes de postures et d’exercices, d’imaginer une salutation aux étoiles et de proposer un enchaînement à tous les membres de la famille. Cela doit être pour eux une opportunité de prendre le pouvoir. Nous sommes un peu là pour les guider mais surtout pour veiller à ce qu’ils ne se fassent pas mal, et à ce qu’ils prennent du plaisir dans la pratique de ces exercices.
Qu’est-ce que cela peut apporter à un enfant ? Doit-on en attendre des bénéfices ?
Il y a beaucoup à dire… (cf la première partie de mon livre sur les 8 bonnes raisons de pratiquer le yoga avec les enfants). Les bénéfices du yoga et de la méditation pour les enfants ont été largement étudiés (et confirmés) ces dernières années. Dans les écoles surtout, la pratique collective permet de restaurer un équilibre, d’apaiser les esprits : les enfants sont plus sereins, ils se sentent mieux dans leur corps et sont davantage enclins à se concentrer.
Sa pratique régulière, qu’elle soit guidée ou non, participe, comme chez les adultes, à une meilleure conscience du souffle et du corps. Petit à petit, nous apprenons à être plus présents à nous-mêmes et sommes donc mieux armés pour affronter les émotions du quotidien.
Un enfant qui connaît les étirements qui lui font du bien en cas de lassitude ou d’irritabilité acquiert une certaine autonomie dans sa quête du bien-être.
Encore une fois, sans parler d’une pratique quotidienne sur un tapis, les exercices de yoga adaptés aux enfants leur apprennent à ressentir leur ancrage dans le sol, leur apprend à avoir conscience de leur posture (et donc à la corriger naturellement et sans y penser).
Les encourager à pratiquer des petits exercices simples de respiration (le bourdon par exemple) peut réellement leur donner les clés pour, dans un autre contexte, retrouver l’équilibre émotionnel.
Proposer le yoga à ses enfants dès leur plus jeune âge, c’est semer des graines pour le reste de leur vie.
À quel âge peut-on commencer ? Combien de temps durent les séances en famille ?
Il existe des postures de yoga adaptés à la pratique avec un bébé. On peut donc commencer dès la naissance. Bien sûr, la pratique évolue au fil des années, mais si l’on souhaite par exemple pratiquer avec la grande sœur de 4 ou 8 ans, nul doute que le petit frère de 15 mois se fera une joie de participer.
Les séances que je propose dans mon livre sont volontairement très courtes et dépassent rarement 10 minutes. Elles peuvent bien sûr être enchaînées si on en a l’envie et le temps.
Mais j’aime l’idée que l’on peut faire du yoga un peu tout le temps, au fil de la journée, au gré de nos humeurs et de nos activités. En piochant parmi des jeux et des exercices faciles, ceux qui nous font le plus de bien à l’instant T.
Si certains enfants aiment formaliser les choses, prendre rendez-vous avec leurs parents pour une séance complète, d’autres préfèrent une pratique spontanée et informelle (c’est en tout cas le cas de mon fils…).
On peut par exemple, en rentrant de l’école, prendre quelques minutes pour faire l’avion et quelques postures d’acroyoga sur le tapis du salon. Ou s’amuser, à l’heure du dîner, à la dégustation d’un plat de spaghetti en pleine conscience. Cela encourage un retour à nos sensations et donc à l’instant présent. Et crée un échange positif et valorisant pour l’enfant et pour nous.
Une posture ou un enchaînement à conseiller dans cette période complexe de restrictions sanitaires, de stress et d’interdits pour les parents comme pour les enfants ?
Pour éviter que le sentiment d’enfermement ne devienne trop pesant, il faut bouger. Les enfants ont un grand besoin de mouvement et pour canaliser leur énergie débordante, l’acroyoga est intéressant, mais finalement toutes les postures le sont. Une simple salutation au soleil permet de libérer les tensions corporelles. Et puis, notamment pour les plus grands qui portent le masque toute la journée à l’école, il peut être important de prendre le temps de s’oxygéner et de faire quelques exercices de respiration, idéalement en extérieur (ou à la fenêtre). Dans l’absolu, je crois que chaque minute consacrée à notre corps et à notre souffle sont bonnes à prendre. À chacun de choisir les exercices qui lui font du bien.