Prolapsus : quels sont les signes d’une descente d’organes et comment réagir ?

C’est un tabou du post-partum, dont on parle peu et que l’on connaît mal : le prolapsus appelé couramment « descente d’organes » se caractérise par le glissement vers le bas, dans le vagin, d’un ou plusieurs organes pelviens. On estime que près de 40% des femmes présenteront un prolapsus au cours de leur vie, et les accouchements « difficiles » sont de loin le premier facteur prédisposant. Comment savoir si l’on est concernée ? Existe-t-il des traitements ? On fait le point avec Justine Verney*, fondatrice de POP France, association de lutte contre le prolapsus des organes pelviens.

« L’accouchement de mon premier enfant a été très difficile. Alors qu’il était encore très haut dans mon bassin, mon fils s’est mis à ne pas supporter les contractions et son cœur ralentissait. Il fallait urgemment le faire sortir et l’obstétricienne a utilisé des forceps, assez violemment. Au final j’ai subi une grosse épisiotomie (7 points) qui malheureusement n’a pas suffi à empêcher une déchirure de grade 3 (atteinte du sphincter anale) », se souvient Charlotte (prénom d’emprunt). La jeune maman, kinésithérapeute, connaît les risques : « je savais très bien l’impact que ce type d’accouchement pouvait avoir sur un éventuel prolapsus, ou d’éventuels troubles urinaire et fécal. Au fil des jours j’ai ressenti une lourdeur très importante au niveau du périnée et une gêne désagréable dans le vagin, c’était comme si j’avais un tampon mal positionné ». Le diagnostic tombe : un périnée descendant avec prolapsus vessie, utérus et rectum.
S’ensuivent une longue rééducation périnéale et abdominale, pour alléger les symptômes, qui sont malgré tout encore présents aujourd’hui. « Je ressens une gêne quotidienne, mais j’arrive à avoir une vie à peu près normale, même si je ne peux plus courir, ni faire de sport à impact… Mon moral va mieux et j’arrive à relativiser en me disant que ce n’est pas une pathologie grave. Mais certains jours, c’est difficile… ». Comme Charlotte, près de 40% des femmes présenteront un prolapsus au cours de leur vie, très souvent à la suite d’un accouchement difficile.

Des professionnels de santé peu sensibilisés à la « descente d’organes »

Cette « descente d’organes », Justine Verney l’a aussi vécue, à la suite de son premier accouchement. Parce que le sujet est encore tabou et que le diagnostic n’est pas toujours posé, Julie a fondé POP France, première association de patientes de lutte contre le prolapsus des organes pelviens et a créé Justine PopMom, le premier espace dédié au soin de la santé mentale pour les femmes souffrant de POP. Elle sensibilise, prévient et accompagne les femmes concernées.

Peux-tu raconter les circonstances et le jour où tu as ressenti des symptômes de prolapsus ?

Mon prolapsus est dû à l’accouchement traumatique instrumenté de mon premier enfant, j’ai su tout de suite qu’il y avait un problème… Mais le jour où, vraiment très angoissée, j’ai fini par aller prendre un miroir pour aller voir ce qui se passait a eu lieu quelques jours après mon retour à la maison.

Est-ce que tu as su tout de suite identifier ce que c’était ? Étais-tu informée ?

Sur le coup je n’ai absolument pas compris ce qui m’arrivait, n’ayant jusqu’alors jamais envisagé cette option et surtout n’ayant jamais été informée de ce risque.

Comment as-tu obtenu un diagnostic ?

Je me suis auto-diagnostiquée avant même d’avoir un diagnostic médical par un gynécologue spécialisé en statique pelvienne. Par la suite j’ai dû organiser ma prise en charge de façon multidisciplinaire pour avoir un suivi holistique.

Quel traitement t’a été proposé ?

On m’a proposé la rééducation abdomino-pelvienne, l’utilisation d’un pessaire et la chirurgie.

Aujourd’hui est ce que tu en souffres encore ? Comment as-tu adapté ton quotidien ?

Aujourd’hui j’ai appris à vivre avec ce handicap invisible (car oui contrairement aux idées reçues c’est bien un handicap). Avec le temps et les bonnes connaissances je sais maintenant adopter les meilleures stratégies pour adapter ma vie afin de limiter l’impact des symptômes de mon POP sur mon quotidien.
Pour en arriver là il est à mon sens primordial d’avoir un bon suivi psychologique afin de commencer par accepter que notre vie ne sera plus comme avant, mais pas moins belle

Quels sont les signes qui doivent alerter une femme et faire soupçonner une descente d’organes ?

Une pesanteur pelvienne, la sensation d’une boule dans le vagin ou l’apparition d’une boule à l’entrée du vagin.

Dans ce cas, qui consulter ?

Un professionnel spécialisé en statique pelvienne quel qu’il soit : on a tendance à ne penser qu’à un gynécologue mais ça peut aussi être une sage-femme, un kiné, un urologue ou même un médecin généraliste dès lors que ce professionnel s’est spécialisé en statique pelvienne.

Beaucoup de femmes ont fait face à des médecins peu formés sur le sujet et impuissants à les soulager, comment l’expliquer ?

La statique pelvienne est une discipline encore très récente et la majorité des professionnels de santé y sont encore très (trop) peu formés et sensibilisés.
De ce fait, le POP passe souvent à la trappe même lors d’un examen clinique, trop souvent pratiqué sur le corps de la femme allongé ; lorsqu’il est diagnostiqué, il est souvent considéré uniquement comme une pathologie fonctionnelle et donc peu pris en considération. C’est la raison pour laquelle j’ai créé pop France et Justine PopMom pour enfin faire bouger les choses : le POP concerne une femme sur deux au cours de sa vie ! On compte dans 50% des cas des troubles anxieux et dans 30% des cas des syndromes dépressifs associés. Cela nécessite à mon sens plus qu’un « ce n’est que fonctionnel, ce n’est pas grave »

Comment trouver le bon spécialiste ?

Il existe des centres en France spécialisé en pelvi-péri-néologie, des associations de King ? périnéale qui ont des annuaires et puis il y a maintenant POP France que l’on peut contacter pour être orientée.

Faut-il compter sur la solidarité et l’entraide entre femmes pour trouver le bon chemin thérapeutique ?

Il est primordial de pouvoir se reposer sur la solidarité entre femmes, à minima pour ne plus se sentir seule et pour avoir des retours d’expérience. En effet, il n’existe pas de bon chemin thérapeutique, uniquement celui adapté à chaque femme en fonction de son ou ses organes touchés et surtout de ses symptômes et de leur impact sur le quotidien.

Quels sont les traitements, méthodes qui peuvent vraiment soulager les symptômes ?

Ce serait formidable qu’il existe une méthode pour soulager les symptômes mais malheureusement ce n’est pas le cas. C’est à chacune d’expérimenter ce qui va fonctionner pour elle, parce que ce qui fonctionne pour l’une ne fonctionne pas forcément pour une autre. Cependant il existe des solutions. La première chose à faire est de commencer une (ré)éducation abdomino-pelvienne après avoir fait un bilan avec un professionnel compétent.
Il faut s’assurer que l’on a bien connaissance des bonnes mesures d’hygiène et de diététique à suivre (notamment pour lutter contre la constipation, adopter une bonne posture, respirer correctement…). Ces mesures pourront être suffisantes pour certaines femmes.
Si ce n’est pas le cas, l’utilisation d’un pessaire peut être envisagée : il s’agit d’un dispositif médical que l’on positionne en intravaginale dans le but de repositionner les organes dans une position plus physiologique afin de stopper et/ou diminuer les symptômes. En dernier recours et après que l’ensemble des mesures conservatrices aient été essayées sans succès, la chirurgie est une option qui peut être envisagée.

Sinon comment vivre avec cette pathologie ?

En apprenant à bien connaître son corps, en étant bien entourée et en faisant un travail psychologique afin d’accepter cette nouvelle condition.

* Justine Verney est la fondatrice de POP France, association de lutte contre le prolapsus des organes pelviens. Retrouvez-la sur www.popfrance.fr et sur les comptes Instagram @Justine_PopMom et @association_pop_france

Crédit photo : Pelayo Arbués / Unsplash