Attendre un bébé en période de confinement est une expérience unique, qui vient avec son lot d’angoisses et d’inquiétudes pour les futures mamans. Solène, 34 ans, est la maman de Basile, 8 ans, Hector 3 ans et Céleste : sa petite dernière, aujourd’hui âgée d’un mois, est née au lendemain du premier jour de confinement. Elle nous raconte son accouchement dans cette période très particulière.
Nous avons passé 8 mois et 3 semaines de bonheur et de sérénité à penser et à préparer la naissance de notre troisième enfant… Comme il y avait de très grandes chances que ce soit la dernière fois pour nous, je voulais tout vivre pleinement pour ne pas avoir de regrets. J’ai donc fait une préparation à la naissance comme pour mon premier enfant, j’ai beaucoup lu sur la maternité, sur l’accouchement naturel, j’ai aussi écouté beaucoup de podcasts dont Mères qui m’a tellement apporté ; j’ai passé énormément de temps à toucher et caresser ce ventre en fermant les yeux pour essayer de graver ses sensations magiques dans ma mémoire.
Le coronavirus est venu bousculer mes plans
J’avais fait le choix d’un accouchement naturel, sans péridurale, dans une maternité respectueuse de ce type de choix. Pour mon premier enfant j’avais déjà donné la vie dans ces conditions et ça avait été une expérience incroyable ! Pour réussir à revivre un accouchement comme celui-là, je savais par expérience que la clé était justement de se relier à son cerveau reptilien, lâcher le mental. Pour ça il faut être sereine et le contexte joue beaucoup… Sauf que le coronavirus est venu bousculer mes plans. Céleste est née le 18 mars, le lendemain du premier jour du confinement national.
Cela faisait déjà 3 semaines que l’on parlait du Coronavirus mais étant déjà « confinée » dans ma bulle positive en vue de l’accouchement, je ne regardais plus les informations. Pourtant j’ai bien senti le stress s’accélérer une semaine avant d’accoucher. J’ai pris conscience de la gravité de la situation lors de la première allocution du président qui annonçait la fermeture des écoles.
Un contexte de fin du monde…
Gérer les ainés à la maison n’était pas un problème car mes parents qui habitent en Alsace étaient là pour la semaine de l’accouchement. Mais naturellement après cette prise de conscience collective que le virus n’était pas juste une grippe de passage, nous avons beaucoup plus suivi les chaines d’informations. Mes parents passaient leur journée les yeux rivés sur la télévision, le téléphone dans la main à suivre les réseaux sociaux. Nous étions donc six personnes dans 110 m2 à tourner en rond avec pour toile de fond « Le virus » et bien sûr, avec moi au centre qui venait de basculer dans le pire contexte anxiogène qui soit pour donner la vie. Un contexte de fin du monde… Dans quel contexte va naître mon bébé ? Quels sont les risques pour un bébé s’il est infecté ? Et si quelqu’un dans la maison était porteur en phase d’incubation ? Comment vivre cet accouchement alors que je suis en état de stress ? Je me disais alors que jamais mon projet de naissance ne pourrait être respecté car j’étais trop dans mon mental, dans les idées noires. Alors que j’allais donner la vie et on ne parlait autour de moi que de la mort…
Le jour du terme (samedi) est arrivé et aucun signe de naissance imminente. À la maison, le seul sujet de conversation à table est « le Covid » ! C’est trop pour moi. Je demande expressément à tous de changer de centre d’intérêt en ma présence car cela m’angoisse… Le lundi nous retournons à la maternité pour faire un nouveau contrôle mais cette fois-ci tout a changé. Mon mari ne peut plus pénétrer dans la maternité et doit attendre sur le parking. On me demande de me désinfecter les mains, de porter un masque, les lieux sont vidés, pas une âme dans les couloirs. Je vois mon mari s’en aller à travers la porte vitrée et je reste seule. Une fois dans la salle d’examen je craque… Je me mets à pleurer et je me rends compte que j’ai accumulé trop de stress ces huit derniers jours.
La sage-femme me rassure elle était très humaine et rassurante. Je ne vois que ses yeux derrière son masque mais elle a un regard bienveillant. Elle m’a proposé de me faire quelques points d’acupuncture pour m’apaiser, me fait un monitoring et regarder où j’en suis. Un col ouvert à 2 doigts comme il y a deux jours, toujours pas de contractions.
On aborde alors la question d’un éventuel déclenchement car selon elle, les règles sanitaires vont évoluer très vite et elle pense que d’ici quelques jours, les papas ne pourront plus assister à la naissance de leur enfant.
Je réalise qu’on s’éloigne de plus en plus d’un accouchement naturel. Ma fille semble avoir bien compris que par les temps qui courent elle sera mieux dedans que dehors. Ce qui me brise le cœur c’est de me dire à ce moment que je ne suis pas certaine d’avoir mon mari comme soutien. C’est vraiment terrible pour moi parce que j’ai besoin de lui plus que jamais
Changer d’état d’esprit et nous couper de tout ça
Nous rentrons à la maison et sur le trajet je parle à mon mari et je me souviens de mes mots « Céleste mérite une belle naissance, je mérite un bel accouchement et tu mérites d’être à nos côtés. Nous devons maintenant nous mettre dans notre bulle en nous coupant de tout ça ». C’était clair, Céleste ne viendrait naturellement que si nous étions prêts à l’accueillir dans un cocon et à laisser le stress loin de nous. Il fallait d’urgence changer d’état d’esprit et nous reconnecter avec elle pour maintenir le cap et n’avoir aucun regret.
Quelques heures plus tard nous assistons au nouveau discours du président annonçant cette fois-ci le début du confinement.
Je suis montée dans ma chambre et j’ai déplié et replié les petits vêtements de mon bébé comme pour exorciser quelque chose. Je me suis couchée et j’ai lu en caressant mon ventre. Elle répondait à mes caresses par des petits coups, elle était là et bien vivante, je lui ai parlé et je lui ai dit que c’était ok maintenant elle pouvait venir car nous étions prêts. J’ai pris un bon bain avec une musique qui me rendait heureuse et je me suis concentrée sur une chose : elle. J’avais décidé que malgré ce contexte, l’absence éventuelle de mon mari, j’allais offrir à cette petite fille une naissance douce, naturelle et sereine !
Le mardi c’était le début du confinement. Le mercredi matin j’avais RDV à la maternité pour faire un nouveau point à j+4 du terme. J’avais passé un coup de fil à la maternité pour connaître les nouvelles directives et nous avons eu la bonne nouvelle d’apprendre que le papa pouvait assister à la naissance mais qu’ensuite toute sortie serait définitive. J’allais être seule en suite de couche mais j’avais prévu de demander un retour précoce pour être très vite près des miens. Mes grands garçons ne réjouissaient tellement que je n’aurais pas imaginé les priver de leur petite sœur plus de 48 heures.
Le matin du dernier RDV de contrôle à la maternité, j’ai commencé à ressentir mes premières contractions douloureuses. À 10 heures nous étions installés en salle de naissance et l’accueil par la sage femme a été génial.
Oui il y a une épidémie à l’extérieur mais ici nous sommes dans une bulle hors du temps. Céleste est arrivée à 14h15. Ce fût une naissance merveilleuse, un accouchement aux sensations fortes, une douleur certaine mais maitrisée presque euphorisante comme pour mon premier fils du fait de la totale maîtrise de mon corps sans péridurale ; je me suis mise dans ma bulle, je me suis sentie femme plus que jamais et fière d’avoir tenu le projet malgré le contexte. Nous avons réussi à trois !
Même si c’est difficile, vous pouvez tout affronter
Ce que je voudrais dire à toutes ces femmes qui sont sur le point d’accoucher, c’est que même si c’est difficile, vous pouvez tout affronter. Il faut réussir à vous recentrer sur votre bébé et faire un vrai travail d’abstraction du contexte afin qu’il ne vous vole pas votre accouchement. J’ai eu la chance d’avoir mon mari près de moi c’est vrai, mais le personnel est d’après ce que j’ai entendu, d’autant plus à l’écoute et présent si vous vous trouvez seule. Vous allez vivre un bonheur immense, le mental joue tellement, alors mettez vous dans votre bulle et tout sera parfait.
Aujourd’hui Céleste a 1 mois et nous sommes restés dans cet état d’esprit positif. Nous n’allumons plus la télévision. Nous sommes tous les cinq confinés et heureux d’avoir autant de temps de qualité ensemble. Naître dans ce contexte me paraissait violent car l’environnement extérieur est stressant, mais finalement nous le voyons comme une chance immense d’écrire cette nouvelle page de notre vie de famille au plus près les uns des autres.