En France, le nombre de vasectomies explose. C’est tant mieux : l’opération aussi efficace que bénigne permet notamment aux hommes en couple hétérosexuel de prendre enfin en charge la contraception du couple… Un pas dans le rééquilibrage de la charge mentale et physique. On a discuté avec deux pères qui ont choisi cette option après les enfants et avec Vincent Hupertan, urologue et fervent partisan de cette méthode de contraception masculine.
Le principe de la vasectomie est simple : empêcher les spermatozoïdes fabriqués dans les testicules d’arriver dans le sperme, en sectionnant les canaux déférents qui relient les testicules à la prostate. Sans spermatozoïdes, le patient n’est plus fertile mais érection et éjaculation fonctionnent normalement puisque 95% du sperme est produit en aval de la section. Très marginale en France il y a encore 10 ans, la vasectomie est en plein boom : les chiffres ont été multipliés par 10 entre 2010 et 2020.
« J’ai deux enfants », nous a raconté Louis, 38 ans, le lendemain de sa vasectomie. « Ça a été le parcours du combattant pour le premier. On a eu trois FIV avant que ça fonctionne. Ça a beaucoup joué dans ma décision de faire une vasectomie. Pour tomber enceinte, ma femme a pris beaucoup d’hormones, subi des opérations… Elle a payé de sa personne. C’était mon tour. »
L’appendicite de l’urologie
Pour Louis, les démarches et l’opération se passent facilement. « Je suis d’abord allé à l’hôpital mais ils ne pratiquaient pas la vasectomie en dessous de 40 ans. Je me suis donc tourné vers une clinique privée. Le rendez-vous avec l’urologue a duré 5 minutes. Il m’a expliqué que l’opération était irréversible et m’a donné un délai de réflexion de quatre mois. Après ce délai, il y a eu un second rendez-vous avec un anesthésiste et puis l’opération. »
Pour Louis, elle se fait sous anesthésie générale et en ambulatoire (sur la journée). « Je suis arrivé le matin à jeun, ils m’ont proposé un Xanax, mis une blouse d’opéré et ça a été l’affaire d’une petite heure. Je suis sorti dans l’après-midi avec deux cicatrices de deux centimètres. »
Pour la suite, pas d’histoire : Louis prend un jour de repos, évite le sport pendant une semaine et prend du Kétoprofène (un anti-douleur un peu plus fort que le Doliprane) pendant dix jours. Coût de l’opération : environ 600 euros.
« Ça fait 20 ans que je bouffe des hormones »
Pour Sébastien, un autre jeune quarantenaire passé sur la table d’opération pour une vasectomie en février 2021, on sent que les choses ont été moins fluides. « J’ai trois enfants. Quand le dernier a eu 2 ans, c’est ma femme qui a mis le sujet de la vasectomie sur la table. « Ça fait 20 ans que je bouffe des hormones », m’a-t-elle dit. Je me souviendrai de cette phrase toute ma vie… »
« Ce qui est amusant, c’est que je me faisais une gloriole d’être un homme éthique dans tous les domaines. Et puis, j’ai eu une sorte d’éveil féministe en lisant un essai sur la genrification des sociétés (Femmes invisibles de Caroline Criado Perez ndlr.). J’ai réalisé à quel point je ne gérais rien dans le domaine de la santé : je ne sais pas où en sont les vaccins des enfants, je ne suis jamais allé à la pharmacie. Quant à la contraception, je ne me posais aucune question, je savais tout juste qu’elle avait un stérilet. »
Fatalement, quand Sébastien découvre, la quarantaine passée, les démarches de santé, elles lui paraissent bien fastidieuses : voir le généraliste pour pouvoir voir un spécialiste, filer aux rendez-vous à la pause déjeuner, retourner à l’hôpital rencontrer l’anesthésiste, rater le travail le jour de l’intervention, planifier un spermogramme trois mois après l’opération pour vérifier qu’elle a fonctionné…
« Ma femme a accouché trois fois et moi je pleure pour trois points »
Sébastien finit par se faire opérer après moult reports pour cause de Covid. Comme pour Louis, l’opération se déroule sous anesthésie générale. « Je me réveille, je suis un héros, je n’ai mal nulle part. Le médecin me donne des ordonnances, j’écoute d’une oreille et je quitte l’hôpital. »
« Plus tard, ça ne va pas du tout, j’ai mal et je passe deux jours à pleurer dans mon lit. Je me suis dit : « Ma femme a accouché trois fois et moi je pleure pour trois points de suture ». Et puis j’ai réalisé que j’avais oublié de prendre les anti-douleurs. Ou plutôt ma femme m’a demandé si j’étais bien sûr de n’avoir pas eu une prescription pour les suites d’opération. » On ne se refait pas.
La vasectomie sans bistouri : 10 minutes en cabinet
Si Louis et Sébastien ont eu recours à une vasectomie « classique », il existe une vasectomie dite « sans scalpel » ou « sans bistouri » encore plus légère. Son chantre, en France, s’appelle Vincent Hupertan, il est urologue à Paris et a répondu à nos questions : « Pour une équipe bien entraînée, la vasectomie sans scalpel se fait en moins de 10 minutes. 20 minutes en tout, le temps que le patient se déshabille et se rhabille ensuite. Il n’y a pas d’hospitalisation, l’anesthésie est locale, après on rentre chez soi comme après un rendez-vous chez le dentiste. Concrètement, au lieu de rentrer dans le sac (le testicule, ndlr.) comme pour une vasectomie classique, on perce la peau sur quelques millimètres pour sortir le canal déférent et le sectionner. Pas de suture, une seule incision », détaille le spécialiste.
Pour le reste, pas de différence avec la vasectomie classique. Il suffit d’avoir 18 ans, d’être pleinement volontaire, de respecter le délai de réflexion de quatre mois imposé par la loi du 4 juillet 2001 qui encadre la stérilisation volontaire des hommes et des femmes, et d’être informé du caractère définitif de l’opération.
Définitif, vraiment ? Les termes consacrés sont : « contraception permanente potentiellement mais difficilement réversible », nous explique le Dr Hupertan. « La vasovasectomie permet en effet de relier les canaux sectionnés lors d’une vasectomie. Le problème de la fertilité c’est qu’elle se dégrade chez l’homme aussi. Même si l’opération de retour en arrière fonctionne, le patient ne retrouvera sans doute pas sa fertilité pré-vasectomie. C’est pour cette raison que je propose systématiquement à mes patients de conserver leur sperme au Cecos (Centre d’Étude et de Conservation des Œufs et du Sperme humains) avant l’opération. »
Crédit photo : Kelli Mcclintock / Unsplash